N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2009-09-28

statistuquo

On forme un être qui accepte tout statu quo — une bonne chose pour une société qui a besoin de mornes bureaucrates et d'habitués des trains de banlieue —, une société qui, pour tout dire, repose sur les épaules rabougries du pauvre petit conformiste apeuré.
(A.S.N.) (merci à S.)

cf. contre la misère misérable
cf. espèces humaines

sans-fiction


:: 2'51''::

cf. espèces humaines
cf. guantanamisation de la vie

espèces humaines

[Espèces cryptiques chez l'Homme ?]
Le premier type est représenté par l'Homme d'action. Il est caractérisé par l'acquisition d'une engrammation sociale aboutissant à la satisfaction des pulsions par la seule action en retour sur l'environnement. On devine l'importance, chez ce type d'individu, du cerveau reptilien. Son activité s'inscrit chez lui dans le cadre des automatismes sociaux et, dans ce cadre, le bien-être, la satisfaction des besoins tels que nous les avons précédemment définis, se contente de l'action efficace sur l'environnement.

Le [deuxième] type est dominé par le cerveau des automatismes. C'est un homme soumis, conforme à la représentation du modèle imposé par la société à laquelle il appartient, acceptant ses préjugés, ses jugements de valeur et ses hiérarchies. C’est l'honnête homme, même s'il s'arrange pour assouvir ses pulsions en cachette, du moment que la morale de l'époque ne peut en souffrir et que l'idée que se font de lui ses contemporains soit conforme à l'uniformisation. Ne remettant jamais en question l'ordre existant et les valeurs dominantes, il fait un excellent citoyen et atteint parfois, si ses origines sociales le lui permettent, une place élevée dans la hiérarchie de notre société technicisée. C'est aussi bien le bon ouvrier que le bon paysan, que le cadre ou le technicien conformiste, colonne vertébrale des démocraties occidentales ou des républiques socialistes. Il n'a pas de nom et pas d'histoire, et disparaît sans que le monde sache même qu'il était apparu. C’est pour lui sans doute que le principe de Peter a été inventé. Ayant atteint, souvent très vite, son niveau d'incompétence, incapable d'imaginer une solution nouvelle aux contradictions qui l'habitent et, fondamentalement, à celles qui opposent son cerveau reptilien à celui de ses automatismes sociaux, il constitue un terrain remarquable pour les affections psychosomatiques, ulcères de l’estomac, hypertension artérielle, obésité , infarctus du myocarde, impuissance sexuelle, etc. Il peuple les usines, les académies, les bistrots, les églises, et forme la base de tous les partis politiques, même d'opposition, car c’est encore se soumettre que d'entrer dans l'opposition. S'il y acquiert une place prépondérante, c’est qu’il appartient alors au premier type. Sa pulsion instinctive à la domination ne pouvant comme chez l’Homme d'action se réaliser sans bousculer un peu les automatismes acquis, il tente de se recycler à partir d un certain âge, persuadé que son incompétence résulte uniquement de l'insuffisance de ses connaissances techniques. Bien entendu, ce recyclage ne résout que bien rarement ses contradictions sous-corticales.

Le troisième type enfin, sur la base de ses pulsions instinctives, ne peut se satisfaire des automatismes acquis. Comme il n'est pas satisfait non plus par son action sur l'environnement, soit qu'il ait rencontré à la suite de cette action une rétorsion du groupe social, soit qu'il se soit heurté à l'inertie des automatismes acquis par ses contemporains, il se trouve en quelque sorte conduit, canalisé vers l'imaginaire. Il découvre son cerveau imaginant et se crée, grâce à lui, le monde qui lui convient. S'il abandonne toute relation avec le réel, il évolue assez rapidement vers la psychose. S’il joue le jeu social sans y croire, son ascension hiérarchique est évidemment fort compromise. Mais s’il se réserve suffisamment de temps pour se construire logiquement un monde imaginaire où il puisse vivre, il fait un artiste ou un créateur scientifique. S'il s'y prend suffisamment tôt, il risque même d'être reconnu pour tel au déclin de sa vie, lorsqu'on s'apercevra, que sa construction imaginaire s'avère plus explicative du réel que les constructions précédentes, et surtout si la technique peut y glaner un progrès dans la production des marchandises. Ce type d'individu est sans doute le plus fragile, fréquemment au bord de la psychose ou de la toxicomanie. En effet, s'il souffre de son insuffisance imaginative, il peut chercher à favoriser sa fuite de la société où il se trouve dans le délire des drogues hallucinogènes. Le cas est plus fréquent chez les créateurs (...) que chez les scientifiques, et la liste des drogués et des fous parmi ceux que la postérité a considéré après coup comme des artistes géniaux, est déjà longue. Le scientifique [au sens large, incluant le chercheur en sciences humaines : philosophie, sociologie, etc.] étant lié par sa méthodologie même à un contrôle plus étroit de la part de la réalité objective a moins de chances généralement de rencontrer la toxicomanie au cours de sa fuite d'un monde qu'il ne peut supporter. On arrive ainsi à cette notion que le véritable novateur est celui qui tente d'échapper à la société qui lui est imposée parce qu'il est incapable de s'y soumettre, et qu’il ne se trouve pas satisfait par l'action dès lors que cette action n'est pas capable de transformer le cadre relationnel dans lequel il est plongé.

On peut même se demander si les premiers artistes, ceux des cavernes, ne le sont pas devenus pendant les périodes de l'année où la chasse leur était impossible, c'est-à-dire où l'action leur était interdite, donnant ainsi libre cours au fonctionnement de leur cerveau imaginant, créateur des mythes, des représentations, des symboles et des signes.

Si la niche environnementale est bien le facteur prépondérant qui va susciter l'apparition de ces trois types [ou espèces] humains, dont on comprend bien qu'ils ne sont pas toujours aussi crûment simples que nous venons de le faire pour la nécessité de la description, cette niche environnementale suivant la structure socio-économique de la société envisagée variera non seulement pour chaque individu, mais pour chaque classe, pour chaque famille qui représente une association de déterminismes sociologiques souvent diversifiés. En réalité, sous cette apparente diversité, une grande uniformité comportementale inconsciente persiste quelle que soit la structure socio-économique du lieu et du moment, et celle-ci favorise en général, parce qu'elle en a « besoin », l'apparition du second type humain, celui dont elle crée les besoins par la manipulation des informations qu'elle autorise. Ces besoins sont essentiellement des besoins matériels, des marchandises, car les besoins dits culturels sont également traités comme des marchandises, comme objets d'échanges et de profit. La culture autorisée n'est pas n'importe quelle culture, mais celle facilitant les automatismes utiles à la structure sociale. Celle-ci, en définitive, assure sa croissance thermo-dynamique aux dépens de sa croissance informationnelle.

(...) La ville est un puissant moyen de création des besoins, c'est-à-dire de diffusion de l'information orientée, nécessaire au maintien de la structure sociale existante. En résumé , elle facilite la diffusion d'un certain type d'informations génératrices de besoins qu'elle s'efforce ensuite tout naturellement de satisfaire. Ce faisant, la structure socio-économique du groupe humain qui la gouverne n'est jamais remise en question puisque tous les efforts sont faits pour la maintenir.

(H.L.) (Merci à djkl)
cf. sans-fiction
cf. statistuquo
cf. l'angle d'oreille