N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2009-09-30

le cinéma officiél (de collaboration)


(J.E.) :: 1'00''::

disques durs

Henri : laborit, langlois, thomas, thoreau, bergson...
Jean : paulhan, renoir, rouch, eustache...
Philippe : sollers, katerine...
Arthur : rimbaud, cravan...
Isidore : ducasse, (isou)...
Jacques : perry, tati...
Friedrich : nietzsche...
Marcel : proust...
...

2009-09-28

statistuquo

On forme un être qui accepte tout statu quo — une bonne chose pour une société qui a besoin de mornes bureaucrates et d'habitués des trains de banlieue —, une société qui, pour tout dire, repose sur les épaules rabougries du pauvre petit conformiste apeuré.
(A.S.N.) (merci à S.)

cf. contre la misère misérable
cf. espèces humaines

sans-fiction


:: 2'51''::

cf. espèces humaines
cf. guantanamisation de la vie

espèces humaines

[Espèces cryptiques chez l'Homme ?]
Le premier type est représenté par l'Homme d'action. Il est caractérisé par l'acquisition d'une engrammation sociale aboutissant à la satisfaction des pulsions par la seule action en retour sur l'environnement. On devine l'importance, chez ce type d'individu, du cerveau reptilien. Son activité s'inscrit chez lui dans le cadre des automatismes sociaux et, dans ce cadre, le bien-être, la satisfaction des besoins tels que nous les avons précédemment définis, se contente de l'action efficace sur l'environnement.

Le [deuxième] type est dominé par le cerveau des automatismes. C'est un homme soumis, conforme à la représentation du modèle imposé par la société à laquelle il appartient, acceptant ses préjugés, ses jugements de valeur et ses hiérarchies. C’est l'honnête homme, même s'il s'arrange pour assouvir ses pulsions en cachette, du moment que la morale de l'époque ne peut en souffrir et que l'idée que se font de lui ses contemporains soit conforme à l'uniformisation. Ne remettant jamais en question l'ordre existant et les valeurs dominantes, il fait un excellent citoyen et atteint parfois, si ses origines sociales le lui permettent, une place élevée dans la hiérarchie de notre société technicisée. C'est aussi bien le bon ouvrier que le bon paysan, que le cadre ou le technicien conformiste, colonne vertébrale des démocraties occidentales ou des républiques socialistes. Il n'a pas de nom et pas d'histoire, et disparaît sans que le monde sache même qu'il était apparu. C’est pour lui sans doute que le principe de Peter a été inventé. Ayant atteint, souvent très vite, son niveau d'incompétence, incapable d'imaginer une solution nouvelle aux contradictions qui l'habitent et, fondamentalement, à celles qui opposent son cerveau reptilien à celui de ses automatismes sociaux, il constitue un terrain remarquable pour les affections psychosomatiques, ulcères de l’estomac, hypertension artérielle, obésité , infarctus du myocarde, impuissance sexuelle, etc. Il peuple les usines, les académies, les bistrots, les églises, et forme la base de tous les partis politiques, même d'opposition, car c’est encore se soumettre que d'entrer dans l'opposition. S'il y acquiert une place prépondérante, c’est qu’il appartient alors au premier type. Sa pulsion instinctive à la domination ne pouvant comme chez l’Homme d'action se réaliser sans bousculer un peu les automatismes acquis, il tente de se recycler à partir d un certain âge, persuadé que son incompétence résulte uniquement de l'insuffisance de ses connaissances techniques. Bien entendu, ce recyclage ne résout que bien rarement ses contradictions sous-corticales.

Le troisième type enfin, sur la base de ses pulsions instinctives, ne peut se satisfaire des automatismes acquis. Comme il n'est pas satisfait non plus par son action sur l'environnement, soit qu'il ait rencontré à la suite de cette action une rétorsion du groupe social, soit qu'il se soit heurté à l'inertie des automatismes acquis par ses contemporains, il se trouve en quelque sorte conduit, canalisé vers l'imaginaire. Il découvre son cerveau imaginant et se crée, grâce à lui, le monde qui lui convient. S'il abandonne toute relation avec le réel, il évolue assez rapidement vers la psychose. S’il joue le jeu social sans y croire, son ascension hiérarchique est évidemment fort compromise. Mais s’il se réserve suffisamment de temps pour se construire logiquement un monde imaginaire où il puisse vivre, il fait un artiste ou un créateur scientifique. S'il s'y prend suffisamment tôt, il risque même d'être reconnu pour tel au déclin de sa vie, lorsqu'on s'apercevra, que sa construction imaginaire s'avère plus explicative du réel que les constructions précédentes, et surtout si la technique peut y glaner un progrès dans la production des marchandises. Ce type d'individu est sans doute le plus fragile, fréquemment au bord de la psychose ou de la toxicomanie. En effet, s'il souffre de son insuffisance imaginative, il peut chercher à favoriser sa fuite de la société où il se trouve dans le délire des drogues hallucinogènes. Le cas est plus fréquent chez les créateurs (...) que chez les scientifiques, et la liste des drogués et des fous parmi ceux que la postérité a considéré après coup comme des artistes géniaux, est déjà longue. Le scientifique [au sens large, incluant le chercheur en sciences humaines : philosophie, sociologie, etc.] étant lié par sa méthodologie même à un contrôle plus étroit de la part de la réalité objective a moins de chances généralement de rencontrer la toxicomanie au cours de sa fuite d'un monde qu'il ne peut supporter. On arrive ainsi à cette notion que le véritable novateur est celui qui tente d'échapper à la société qui lui est imposée parce qu'il est incapable de s'y soumettre, et qu’il ne se trouve pas satisfait par l'action dès lors que cette action n'est pas capable de transformer le cadre relationnel dans lequel il est plongé.

On peut même se demander si les premiers artistes, ceux des cavernes, ne le sont pas devenus pendant les périodes de l'année où la chasse leur était impossible, c'est-à-dire où l'action leur était interdite, donnant ainsi libre cours au fonctionnement de leur cerveau imaginant, créateur des mythes, des représentations, des symboles et des signes.

Si la niche environnementale est bien le facteur prépondérant qui va susciter l'apparition de ces trois types [ou espèces] humains, dont on comprend bien qu'ils ne sont pas toujours aussi crûment simples que nous venons de le faire pour la nécessité de la description, cette niche environnementale suivant la structure socio-économique de la société envisagée variera non seulement pour chaque individu, mais pour chaque classe, pour chaque famille qui représente une association de déterminismes sociologiques souvent diversifiés. En réalité, sous cette apparente diversité, une grande uniformité comportementale inconsciente persiste quelle que soit la structure socio-économique du lieu et du moment, et celle-ci favorise en général, parce qu'elle en a « besoin », l'apparition du second type humain, celui dont elle crée les besoins par la manipulation des informations qu'elle autorise. Ces besoins sont essentiellement des besoins matériels, des marchandises, car les besoins dits culturels sont également traités comme des marchandises, comme objets d'échanges et de profit. La culture autorisée n'est pas n'importe quelle culture, mais celle facilitant les automatismes utiles à la structure sociale. Celle-ci, en définitive, assure sa croissance thermo-dynamique aux dépens de sa croissance informationnelle.

(...) La ville est un puissant moyen de création des besoins, c'est-à-dire de diffusion de l'information orientée, nécessaire au maintien de la structure sociale existante. En résumé , elle facilite la diffusion d'un certain type d'informations génératrices de besoins qu'elle s'efforce ensuite tout naturellement de satisfaire. Ce faisant, la structure socio-économique du groupe humain qui la gouverne n'est jamais remise en question puisque tous les efforts sont faits pour la maintenir.

(H.L.) (Merci à djkl)
cf. sans-fiction
cf. statistuquo
cf. l'angle d'oreille

2009-09-18

le recul historique contre le cul du présent

L'histoire ne sert à rien, ou plutôt ne sert qu'au pouvoir, si elle ne se donne pas pour tâche de relativiser le présent, d'en démasquer la contingence, là où le discours autorisé s'efforce de le rendre nécessaire. Sans recul historique, la fatalité du présent décourage l'action humaine. La fatalité n'entre pas dans le champ proprement politique des choses sur lesquelles on a prise et dont on délibère. Aussi le savoir historique est-il immédiatement politique : l'histoire, entendue comme récit, sert à faire valoir le caractère historique du présent, c'est-à-dire son appartenance à l'histoire entendue comme processus. En montrant que le présent n'est pas tombé du ciel, mais qu'il est au contraire devenu, qu'il a surgi d'une multiplicité de causes, on le fait entrer dans le champ politique de la parole et de l'action, c'est-à-dire de la [«] liberté [»] humaine.
(C.L.)

[L’Histoire ?] J'en fais un usage rigoureusement instrumental. C'est à partir d'une question précise que je rencontre dans l'actualité que la possibilité d'une histoire se dessine pour moi. Mais l'utilisation académique de l'Histoire est essentiellement une utilisation conservatrice : retrouver le passé de quelque chose a essentiellement pour fonction de permettre sa survie. L'histoire de l'asile, par exemple, telle qu'on l'a faite souvent, d'ailleurs - je ne suis pas le premier -, était essentiellement destinée à en montrer l'espèce de nécessité, de fatalité historique. (...)
Tout ce qu'il peut y avoir d'irrégulier, de hasardeux, d'imprévisible dans un processus historique m'intéresse considérablement. (...) Cette manière d'interroger l'Histoire à partir de ces jeux de possibilité et d'impossibilité est à mes yeux la plus féconde quand on veut faire une histoire politique et une politique historique. A la limite, on peut penser que c'est le plus impossible qui est finalement devenu le nécessaire. Il faut donner son maximum de chances à l'impossible et se dire : comment cette chose impossible s'est-elle effectivement produite ?
Montrer que l'asile ou la prison n'ont rien d'inéluctable, c'est aussi les combattre...

(M.F.)

cf. la dominance et autre usage
cf. pour une « dénaturalisation » du travail

2009-09-17

2009-09-16

monde-type

Si des gens comme nous comprennent la situation bien mieux que les prétendus experts, ce n'est pas parce qu'ils auraient un quelconque pouvoir de prédire des événements particuliers, mais parce qu'ils ont celui de saisir dans quel type de monde nous vivons.
(G.O.) (merci à serge)

2009-09-11

désertic

... Je peux pas me résoudre à l'idée que les gens (semblables à moi et dans le même bateau) sont si limités, si peu concernés par ce qui me concerne. Qu'il y ait autant d'écart, de différence d'intérêt intellectuel : existentiel ; vital. Déjà, pour tout dire, je comprends même pas que les gens ne soient plus largement attirés, happés par la philosophie, la pensée en général. Bref, je commence à croire et malheureusement comprendre que la pensée est à vivre pour soi comme une simple passion, comme une autre, qu'on doit malheureusement se retenir de partager avec tout le monde, ou n'importe qui, si on veut rester correct, digeste, buvable. (...) En tout cas, c'est ce que les réactions accumulées ces derniers temps m'ont fait comprendre un bon coup, dur. J'exagère un peu, il y a des plus ou moins réceptifs (...) mais, comme toujours, c'est les autres qu'on retient. Qui nous retiennent...
(o.K.)
cf. le désert sans le fromage
cf. le dommage et l'entrouverture

2009-09-09

du besoin du bonheur d'être dépassé

Nous avons besoin de livres qui agissent sur nous comme (...) la mort de quelqu'un qui nous est plus cher que nous-mêmes.
(F.K.)

Le but de l'écriture, c'est de porter la vie à l'état d'une puissance non personnelle.
(G.D. — merci à djkl)

2009-09-07

l'art de ne pas toujours avoir raison

La philosophie ne guérit de rien, sinon du désir d'être malade : les hommes sont hypocondriaques car ils ne supportent pas d'avoir tort, et l'hypocondriaque finit toujours par avoir raison.
(R.E.)


cf. la logique du pire à l'épreuve du réel
cf. l'inhibition à l'action

2009-09-03

lentier

« As-tu pensé à ce que tu vas devenir ? »
C'était une conspiration.
« Il ne s'agit pas de se laisser vivre. » (...)
On me pressait de travailler, de prendre un métier et je laissais les jours s'enfuir sans faire un geste, sans prendre une décision, comme s'il fallait, pour que mûrisse le fruit de ma vie, que je demeure immobile et vacant. (...)
[L'Oeuvre, de Zola] me racontait l'histoire d'un peintre [Claude Lantier] et comment il se faisait manger par la peinture, comment il y sacrifiait une femme et un enfant pour se pendre enfin devant une grande toile inachevée.
C'était à dégoûter n'importe qui de la peinture. Je n'en perdis pas un mot. (...) J'apprenais qu'il y avait une peinture officielle, noire, pompeuse, « aux jus recuits » et quelques fous ivres de couleur. J'étais évidemment du parti des fous. D'instinct, je me servais de tons francs; j'aimais la joie. J'allais donc souffrir comme Claude Lantier, martyriser les femmes, mourir de misère et me faire refuser à tous les salons. Affreux destin. J'en restais tout pantelant.
Adèle, qui ne voyait rien, remarqua mes allures mornes. Claude Lantier, au plus noir de son découragement, pensait que le bonheur c'eût été de travailler de ses mains comme maçon ou charpentier. Je résolus de suivre son conseil et me proposai à l'entrepreneur Fouguerot. (...) il me prit tout de suite. (...)
Et je pensais que Lantier avait raison. Tout le jour, je piochais, creusais des fondations. La pelle et la pioche m'allaient mieux que les pinceaux. La bonne faim au dîner et au souper, les grands coups de rouge et les gamelles de solide préparées par Adèle. Je ne pensais à rien, simple outil : je travaillais sans peine, ne sentais pas la fatigue et, le soir venu, dormais dans le bon écrasement du corps. Le lendemain matin, j'étais frais et puissant et partais travailler sans l'ombre de mélancolie. J'étais heureux.
Adèle ne s'étonnait pas de me voir ouvrier. Elle ignorait l'ambition sociale...
(J.P. - VPI190-2)
cf. si-non gagner sa vie

2009-09-02

autrement métier

Au fond, c'était une bonne enfance. On m'aimait bien, je rendais service. J'étais fier de ma force et je ne faisais jamais rien qui m'ennuyât.
César, malgré ses efforts, n'était jamais parvenu à m'imposer une discipline. (...) Il me répétait constamment que je devais choisir un métier et me préparer dès à présent à l'exercer. Ces paroles n'avaient pas d'importance. (...) Moi qui aimais tant la liberté, je n'imaginais même pas qu'elle eût un prix, et qu'il fallait la défendre.
« Tu vois, tous les autres travaillent, disait César. Moi, j'ai travaillé toute ma vie (...) Adèle travaille; tu dois travailler. »
Je ne répondais pas. César m'étourdissait. Je ne savais pas opposer des mots à des mots. Pourquoi « travailler » avait-il un son si menaçant dans sa bouche ? Je n'avais peur d'aucun effort. Forger, labourer, vendre des livres ou distribuer des billets de chemin de fer, c'étaient de bons boulots qui me plaisaient, mais tous à la fois. Quand j'avais tenu la barre que Ladeuil martelait, je filais chez Lorne et montais sur l'échelle pour prendre un livre dans le dernier rayon (Lorne avait le vertige). L'après-midi, j'aidais les Colas à faner. À la fin du jour, je m'étais bien agité.
César s'en rendait compte :
« Tu cours partout, tu aides tout le monde, mais si tu restes une demi-heure à droite, une demi-heure à gauche, jamais on ne te paiera ! » C'était vrai. On ne me payait pas; mais chez les Colas, à la saison des fruits, je prenais tout ce que je voulais. Je ne demandais pas; on ne me disait pas : « Prends »; cela paraissait naturel. Chez Lorne, je lisais les livres. Chez Ladeuil, je m'amusais à fabriquer des piquets des fer pour attacher les vaches à Colas. Boubée, le pharmacien, m'envoyait porter un flacon chez un médecin ou chercher une bonbonne à la gare et je plongeais la main dans les bocaux de guimauve et de goudron-tolu.
Bien sûr que si ma vie ne s'était pas orientée autrement, je serais parvenu à vivre ainsi, toujours libre, toujours utile. J'aurais mangé chez l'un ou chez l'autre, bu des canons un peu partout. Il y a toujours assez de pantalons et de vestes pour tout le monde. La campagne est un vaste réservoir; je me serais emparé de tous les trop-pleins. Trop de lapins dans cette nichée ? Je les prends; ma chatte les nourrira, et l'herbe des chemins. Il y a toujours des pommes sur les arbres, du lait au pis des vaches, des lièvres au collet. À l'automne, la femme du garde-chasse me fait goûter le civet.
Je sais que je passe pour un vieux con quand je vante la vie d'autrefois mais on n'a aucune idée de la tranquillité de ces petits pays. On n'aimait pas donner de l'argent mais je n'en demandais pas. Il y a du bois dans la forêt; les braises se conservent sous la cendre. On souffle; ça repart; il fait chaud. Les murs sont épais; la cheminée est grande. Je dors à la nuit et je m'éveille à l'aube. Quand il pleut, on épluche les châtaignes, on égrène le maïs ou on dort dans le foin. J'aide le tonnelier et j'emmène un vieux fût de cinquante-cinq; je vendange chez l'Astruc et je remplis mon fût. En voilà pour un petit mois. Il y a du vin, de l'herbe et du bois pour tout le monde. (...)
Je ne me serais pas marié. Pourquoi faire des mômes ? Ceux des autres sont gentils et tout drôles; les femmes sont partout. Je les aurais toutes connues. Avec moi, ça n'aurait pas tiré à conséquence et ça aurait fait plaisir.
J'aurais peint quand même, sûrement; c'est dans ma peau. J'aurais donné les toiles. J'allais dans les châteaux tout aussi bien. Le curé me respectait comme l'oiseau des champs. Vieux, tout le pays m'aidait. J'en suis sûr. Je les ai vu nourrir une vieille chouette impotente et mauvaise. C'est de sortir l'argent qui rend les gens méchants. C'est ça qui a failli me rendre enragé. Vieux et solide comme je suis, j'aurais eu tous les jeunes autour de moi, à me faire raconter toutes mes histoires.
Suffit. Ça ne s'est pas passé comme ça.
(J.P. — VPI57-9)
cf. vers la fin du travaliénant