N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2011-02-28

quelques trompettes sur la renommée

J'étais dans une disposition heureuse ; ma réputation me rendait la vie légère : il y a beaucoup de songes dans le premier enivrement de la renommée et les yeux se remplissent d'abord avec délices de la lumière qui se lève ; mais que cette lumière s'éteigne, elle vous laisse dans l'obscurité ; si elle dure, l'habitude de la voir vous y rend bientôt insensible.
(F.-R.D.C.)

Les gens très connus, qui ont un nom, quand vous les voyez venir, leur nom marche à un mètre devant eux, et leur nom fait barrière. Et parler à quelqu'un de très connu (je parle vraiment des gens dont le nom circule comme des monnaies, souvent fausses, un peu partout) c'est presque impossible, on a l'impression d'être à un parloir. La gloire (...) installe certaines personnes dans un ordre religieux très particulier, dont il ne pourront plus sortir, (...) on ne peut plus leur parler qu'à travers une grille.
(C.B.)

Je suivais tout à l'heure le boulevard; c'était jour d'Opéra, et la foule des équipages se pressait dans la rue Lepelletier. Les promeneurs arrêtés sur le trottoir en reconnaissaient quelques-uns au passage, et prononçaient certains noms: c'était ceux d'hommes célèbres ou puissants qui se rendaient au succès du jour !
Près de moi s'est trouvé un spectateur aux joues creuses et aux yeux ardents, dont l'habit noir montrait la corde. Il suivait d'un regard d'envie ces privilégiés de l'autorité ou de la gloire, et je lisais sur ses lèvres, que crispait un sourire amer, tout ce qui se passait dans son âme.
—Les voilà, les heureux! pensait-il; à eux tous les plaisirs de l'opulence et toutes les jouissances de l'orgueil. La foule sait leurs noms? ce qu'ils veulent s'accomplit; ils sont les souverains du monde par l'esprit ou par la puissance! pendant que moi, pauvre et ignoré, je traverse péniblement les lieux bas, ceux-ci placent sur les sommets dorés par le plein soleil de la prospérité.

Je suis revenu pensif. Est-il vrai qu'il y ait ces inégalités, je ne dis pas dans les fortunes, mais dans le bonheur des hommes? Le génie et le commandement ont-ils véritablement reçu la vie comme une couronne, tandis que le plus grand nombre la recevait comme un joug?
(…)
Que dire des grandes disgrâces qui précipitent les puissants du plus haut du ciel au plus profond de la terre ? de cette voie douloureuse par laquelle ils doivent porter éternellement leur responsabilité, comme le Christ portait sa croix? de cette chaîne de convenances et d'ennuis qui enferme tous les actes de leur vie, et y laisse si peu de place à la liberté?
Les partisans de l'autorité absolue ont défendu, avec raison, l'étiquette. Pour que des hommes conservent à leur semblable un pouvoir sans bornes, il faut qu'ils le tiennent séparé de l'humanité, qu'ils l'entourent d'un culte de tous les instants, qu'ils lui conservent, par un continuel cérémonial, ce rôle surhumain qu'ils lui ont accordé. Les maîtres ne peuvent rester souverains qu'à la condition d'être traités en idoles.
Mais après tout, ces idoles sont des hommes, et si la vie exceptionnelle qu'on leur fait est une insulte pour la dignité des autres, elle est aussi un supplice pour eux! Tout le monde connaît la loi de la cour d'Espagne, qui réglait, heure par heure, les actions du roi et de la reine, «de telle façon, dit Voltaire, qu'en la lisant on peut savoir tout ce que les souverains de la Péninsule ont fait ou feront depuis Philippe II jusqu'au jour du Jugement.» Ce fut elle qui obligea Philippe III malade à supporter un excès de chaleur dont il mourut, parce que le duc d'Uzède, qui avait seul le droit d'éteindre le feu dans la chambre royale, se trouvait absent.
La femme de Charles II, emportée par un cheval fougueux, allait périr sans que personne osât la sauver, parce que l'étiquette défendait de toucher à la reine: deux jeunes cavaliers se sacrifièrent en arrêtant le cheval. Il fallut les prières et les pleurs de celle qu'ils venaient d'arracher à la mort pour faire pardonner leur crime. Tout le monde connaît l'anecdote racontée par madame Campan au sujet de Marie-Antoinette, femme de Louis XVI. Un jour qu'elle était à sa toilette, et que la chemise allait lui être présentée par une des assistantes, une dame de très ancienne noblesse entra et réclama cet honneur, comme l'étiquette lui en donnait le droit; mais, au moment où elle allait remplir son office, une femme de plus grande qualité survint et prit à son tour le vêtement qu'elle était près d'offrir à la reine, lorsqu'une troisième dame, encore plus titrée, parut à son tour, et fut suivie d'une quatrième qui n'était autre que la sœur du roi. La chemise fut ainsi passée de mains en mains, avec force révérences et compliments, avant d'arriver à la reine qui, demi-nue et toute honteuse, grelottait pour la plus grande gloire de l'étiquette.
(E.S.)

Et puis si en plus on a la légèreté de publier – ce que je fais –, alors là on est complètement exposé, ce qui est bien sûr enivrant, mais on se sent aussi exposé aux tirs de tant de choses.
(A.N.)

[À son compagnon inconnu, mon père, lecteur de Rousseau] vantait la gloire du grand écrivain génevois, que son génie avait fait citoyen du monde; il s'exaltait sur ce privilège des sublimes penseurs qui dominent, malgré l'espace et le temps, et recrutent parmi toutes les nations un peuple de sujets volontaires, mais l'inconnu l'interrompit tout à coup :
—Et savez-vous, dit-il doucement, si Jean-Jacques n'échangerait point la célébrité que vous semblez envier contre la destinée d'un de ces bûcherons dont nous voyons fumer la cabane! A quoi lui a servi sa renommée, sinon à lui attirer des persécutions? Les amis inconnus que ses livres ont pu lui faire se contentent de le bénir dans leurs cœurs, tandis que les ennemis déclarés qu'ils lui ont attiré le poursuivent de leurs violences et de leurs calomnies! Son orgueil a été flatté par le succès! Combien a-t-il été blessé de fois par la satire! Et, croyez-le bien, l'orgueil humain ressemble toujours au Sybarite que le pli d'une feuille de rose empêchait de dormir. L'activité d'un esprit vigoureux dont le monde profite, tourne presque toujours contre celui qui le possède. Il en devient plus exigeant avec la vie; l'idéal qu'il poursuit le désenchante sans cesse de la réalité; il ressemble à l'homme dont la vue serait trop subtile, et qui dans le plus beau visage, apercevrait des taches et des rugosités. Je ne vous parle point des tentations plus fortes, des chutes plus profondes. Le génie, avez-vous dit, est une royauté! mais quel honnête homme n'a peur d'être roi? qui ne sent que pouvoir beaucoup, c'est, avec notre faiblesse et nos emportements, se préparer à beaucoup faillir! Croyez-moi, monsieur, n'admirez ni n'enviez le malheureux qui a écrit ce livre; mais si vous avez un cœur sensible, plaignez-le!
Mon père, étonné de l'entraînement avec lequel son compagnon avait prononcé ces derniers mots, ne savait que répondre.
Dans ce moment, ils arrivaient à la route pavée qui joint le château de Meudon et des Dames de France à celui de Versailles; une voiture passa.
Les dames qui s'y trouvaient aperçurent le vieillard, poussèrent un cri de surprise, et se penchant à la portière, elles répétèrent:
—C'est Jean-Jacques! c'est Rousseau!
Puis l'équipage disparut.
Mon père était resté immobile, les yeux grand ouverts, les mains en avant, stupéfait et éperdu. Rousseau, qui avait tressailli en entendant prononcer son nom, se tourna de son côté :
—Vous le voyez, dit-il, avec la misanthropique amertume que ses derniers malheurs lui avaient donnée, Jean-Jacques ne peut même se cacher : objet de curiosité pour les uns, de malignité pour les autres, il est pour tous une chose publique que l'on se montre au doigt. Encore s'il ne s'agissait que de subir l'indiscrétion des oisifs! mais dès qu'un homme a eu le malheur de se faire un nom, il appartient à tous; chacun fouille dans sa vie, raconte ses moindres actions, insulte à ses sentiments; il devient semblable à ces murs que tous les passants peuvent souiller d'une injurieuse inscription. Vous direz peut-être que j'ai moi-même favorisé cette curiosité en publiant mes Mémoires. Mais le monde m'y avait forcé : on regardait chez moi par les fentes, et l'on me calomniait ; j'ai ouvert portes et fenêtres, afin qu'on me connût, du moins, tel que je suis. Adieu, Monsieur; rappelez-vous toujours que vous avez vu Rousseau pour savoir ce que c'est que la célébrité.
(…) Ah! je comprends aujourd'hui le récit de mon père! il renferme la réponse à une des questions que je m'adresse depuis une semaine. Oui, je sens maintenant que la gloire et la puissance sont des dons chèrement payés, et que, s'ils font du bruit autour de l'âme, tous deux ne sont le plus souvent, comme le dit madame de Staël, « qu'un deuil éclatant de bonheur ! »
(E.S.)

Je vivais à l'écart de la place publique,
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique...
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me fair' comprendre
Qu'à l'homme de la ru' j'avais des compt's à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J' devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.

Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !

Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d' la caus' publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quell' position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publi' des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé's salopes,
Combien de bons amis me r'gard'ront de travers,
Combien je recevrai de coups de revolver !
(G.B.)


Nous récusons des juges pour les plus petits intérêts, et nous voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du jugement des hommes, qui nous sont tout contraires, ou par leur jalousie, ou par leur préoccupation, ou par leur peu de lumière ; et ce n'est que pour les faire prononcer en notre faveur que nous exposons en tant de manières notre repos et notre vie.
(F. d.L.R.)


J'aime mieux m'en tenir à ma premièr' façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S'il n'en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je m'endors comme un loir.
(G.B.)

cf. re-tenue

2011-02-27

la vie gigogne

Combien rapidement et que de fois nous changeons d'existence et de chimère ! Des amis nous quittent, d'autres leur succèdent ; nos liaisons varient : il y a toujours un temps où nous ne possédions rien de ce que nous possédons, un temps où nous n'avons rien de ce que nous eûmes. L'homme n'a pas une seule et même vie ; il en a plusieurs mises bout à bout (...).
(F.-R.D.C.)

2011-02-26

tous acromégaliques de la gueule

L’œil est le seul organe du corps humain qui a sa taille adulte dès la naissance.
À côté de ça, le nez et les oreilles grandissent jusqu’à la mort !





Les pieds et les mains atteignent leur taille adulte entre l’âge de 15 ans pour les filles et 20 ans pour les garçons.
Contrairement à la légende, poils et ongles cessent de pousser une fois que le cœur a cessé de battre.

cf. la vie gigogne

2011-02-25

chronologisbeautiful

  On devrait prêter attention, à travers l'interminable boulevard Raspail... (...)
  Mais qui est au juste ce Raspail ? (...)
  Raspail a donc 20 ans quand Sade meurt à Charenton, 27 ans à la mort de Joseph de Maistre à Turin, 48 ans à la mort de Stendhal, 54 ans à la mort de Chateaubriand, 56 ans à la mort de Balzac, 73 ans à la mort de Baudelaire, 76 ans à la mort d'Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, 79 ans au moment de la parution totalement occultée d'Une saison en enfer de Rimbaud, et 81 ans à la sortie des Trois Contes de Flaubert (alors qu'il en avait 71 au moment de Madame Bovary).
  Il a 46 ans à la naissance de Rodin, et 77 ans à la naissance de Proust.
  Un boulevard.
(P.S.)

  Leibniz (...). Dates: 1646-1716. C’est une longue vie, il est à cheval sur plein de choses.
(G.D.)

2011-02-24

l'histoire comme son ombre

(S.W & T.N.)

Si on approfondit l'histoire, si on y réfléchit, il est strictement impossible de ne pas être pessimiste. Un historien optimiste est une contradiction dans les termes. (...) Prenez n'importe quelle époque de l'histoire, étudiez-la un peu à fond et les conclusions sont nécessairement terribles. (...) J'ai toujours eu une vision, disons, désagréable des choses. Mais à partir du moment où j'ai découvert l'histoire, j'ai perdu toute illusion.
(C.)

Pendant de nombreuses années, j'ai méprisé tout ce qui se rapportait à l'histoire. Et je sais par expérience qu'il vaut mieux ne pas lui accorder trop d'attention, ne pas s'y arrêter, car elle représente la plus grande preuve imaginable de cynisme. Tous les rêves, les philosophies, les systèmes ou les idéologies se brisent contre le grotesque du développement historique : les choses se produisent sans pitié, d'une manière irréparable ; le faux, l'arbitraire, le fatal triomphent. Il est impossible de méditer sur l'histoire sans éprouver envers elle une sorte d'horreur.
(C.)

Le 14 juillet, prise de la Bastille. J'assistai, comme spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur : si l'on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne fût entré dans la forteresse. Je vis tirer deux ou trois coups de canon, non par les invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur les tours. De Launay, arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assommé sur les marches de l'Hôtel de ville ; le prévôt des marchands, Flesselles, a la tête cassée d'un coup de pistolet : c'est ce spectacle que des béats sans cœur trouvaient si beau. Au milieu de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au cabaret ; des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner, et leur faisaient escorte. Les passants se découvraient avec le respect de la peur, devant ces héros, dont quelques-uns moururent de fatigue au milieu de leur triomphe. Les clefs de la Bastille se multiplièrent ; on en envoya à tous les niais d'importance dans les quatre parties du monde.
(…)
Peu de jours après (…), j’étais aux fenêtres de mon hôtel garni avec mes sœurs et quelques Bretons ; nous entendons crier : « Fermez les portes ! fermez les portes !» Un groupe de déguenillés arrive par un des bouts de la rue ; du milieu de ce groupe s’élevaient deux étendards que nous ne voyions pas bien de loin. Lorsqu’ils s’avancèrent, nous distinguâmes deux têtes échevelées et défigurées, que les devanciers de Marat portaient chacune au bout d’une pique : c’étaient les têtes de MM. Foulon et Bertier. Tout le monde se retira des fenêtres ; j’y restai. Les assassins s’arrêtèrent devant moi, me tendirent les piques en chantant, en faisant des gambades, en sautant pour approcher de mon visage les pâles effigies. L’œil d’une de ces têtes, sorti de son orbite, descendait sur le visage obscur du mort ; la pique traversait la bouche ouverte, dont les dents mordaient le fer : « Brigands ! m’écriai-je plein d’une indignation que je ne pus contenir, est-ce comme cela que vous entendez la liberté ?» Si j’avais eu un fusil, j’aurais tiré sur ces misérables comme sur des loups. Ils poussèrent des hurlements, frappèrent à coups redoublés à la porte cochère pour l’enfoncer et joindre ma tête à celles de leurs victimes. Mes sœurs se trouvèrent mal ; les poltrons de l’hôtel m’accablèrent de reproches. Les massacreurs, qu’on poursuivait, n’eurent pas le temps d’envahir la maison et s’éloignèrent. Ces têtes, et d’autres que je rencontrai bientôt après, changèrent mes dispositions politiques ; j’eus horreur des festins de cannibales, et l’idée de quitter la France pour quelque pays lointain germa dans mon esprit.

(F.R.D.C.)

Etc.

la blondeur primitive ?

Publié initialement à la date du 24 février 2012.

(...) les femmes auraient « inventé » la chevelure blonde au cours de la préhistoire dans l'espoir d'attirer [les mâles alors raréfiés].

Le Dr. Peter Frost, de l'université Laval à Québec, explique qu'au cours de l'Ère de glace, puisque les humains devaient voyager de longues distances pour trouver du gibier dans des conditions très difficiles, la race humaine avait plus de mal à se reproduire. De nombreux mâles mourraient en quête de nourriture, laissant derrière eux plusieurs femmes qui devaient donc se battre pour l'attention des rares (...) qui survivaient.

Il explique qu'à cette époque, nos ancêtres avaient presque tous les cheveux foncés, et que l'apparition des cheveux blonds est en fait l'évolution (...) des femmes qui devaient se démarquer des autres pour se trouver un partenaire. Les hommes des cavernes étant de fervents amateurs d'objets brillants, les blondes se voyaient prisées [pour leur touche] d'exotisme. Les cheveux blonds étant (...) plus rares...
(...)

Les blondes (...) demeurent encore aujourd'hui en minorité. « Plus une couleur de cheveux est commune, moins on la préfère, explique le Dr. Frost à Discovery News. C'est comme un effet de nouveauté. La seconde où on devient ordinaire, on n'a plus le même attrait. On cherche donc à être un peu différent et à accrocher l’œil. »

Cet effet de nouveauté et d'exotisme expliquerait donc que plus de femmes se teignent en blond en Amérique Latine, par exemple, où la majorité des gens ont les cheveux foncés, alors que dans les pays nordiques, où les blondes sont légion, les femmes choisiront plutôt de [foncer] leurs cheveux.

[Le goût pour] les blondes serait aussi dû au fait qu'on associe le blond avec la jeunesse, puisque les enfants le sont souvent et que la couleur perdure un peu plus longtemps chez les filles que chez les garçons. (...)
(G.L.C)(O.K.) (merci à edgar de lespostiers.fr)

> carte blonde


2011-02-22

la route, la presqu'île, le roi...


Le volume [La Presqu'île] paru en 1970 rassemble trois textes: « La Route », fragment du roman entrepris vers 1953 et resté inachevé; la longue nouvelle qui donne son titre au recueil; et un récit plus bref, « Le Roi Cophetua ». (…)
On ressent dans « La Route » le poids du livre. Parti d’un bel élan, le texte demeure suspendu, sans aboutir ni retourner à son point de départ. (…) La route est à la fois direction et vestige. L’intention humaine y compose avec les forces naturelles du sol et de la végétation, et sa persistance à l’état de trace permet de mesurer le « retour à la sauvagerie ». Suivant ce fil, le texte digresse peu à peu : de la route aux pays traversés, aux hameaux abandonnés qu’elle longe, puis au « dépôt humain très mélangé » qui croise dans ses marges, enfin aux femmes à propos desquelles il esquisse – oubliant le thème du chapitre – une singulière utopie du rapport entre les sexes. (…)
 
« La Presqu’île » prolonge en revanche la veine « réaliste » du Balcon en forêt. La limite atteinte est ici celle de la fiction : un pas de plus et l’on bascule dans l’essai autobiographique. L’intrigue en effet se réduit à une épure : Simon attend Irmgard au train de 12 h 53; comme elle n’arrive pas, il va reconnaître les lieux où il compte l’amener. Il fait le tour de La Presqu’île jusqu’au port de Kergrit, où il vient occuper la chambre de l’Hôtel des Bains. Puis il revient pour le train de 19h53, mais retardé par ses rêveries il se tient un peu loin : « Comment la rejoindre? pensait-il, désorienté. » Simon, qui retrouve les lieux de ses vacances d’enfant, est un double de l’auteur (…)
« La Presqu’île » est le récit du temps vécu de l’intérieur : orienté par l’échéance finale, il ne cesse d’être comprimé par le sentiment d’urgence (je vais être en retard) ou au contraire dilaté par l’euphorie de l’anticipation (j’ai tout le temps). Ce rythme se conjugue à la fois avec les mouvements (rouler, s’arrêter, marcher, se garer, repartir) et avec l’alternance des humeurs : le sentiment d’aise, qui reste la note dominante, est coupé de « menus précipices » dépressifs. (…)

« Le Roi Cophetua » regarde vers le passé plus que vers l’avenir. C’est un texte étrange, dans lequel Gracq semble près de se pasticher lui-même, mais qui ne témoigne pas d’un épuisement de la veine créatrice. (…)  Cette ultime nouvelle est semblable à une conjuration : on y retrouve les traces du Graal, les rapports en triangle, l’attente, et bien d’autres échos de l’œuvre. Mais elle revient sur ce passé pour s’en défaire : c’est à ce prix que Gracq pourra entreprendre des livres où le romancier parle en son propre nom.

2011-02-19

force est à reprendre

Parfois la chose la plus urgente et la plus vitale que vous puissiez faire est de vous reposer complètement.
(A.B.)

Je sais ce qu'il pense. Je connais ses théories. Tout est affaire de forces à reprendre. C’est cela qu’il nous permet de faire ici. Nous reposer. Reprendre des forces. Réfléchir. Retrouver la force de réfléchir et d’envisager les choses dans le calme, faire le tri, se délester, choisir. Et pour ça, la première chose, c’est de dormir. Ensuite il faut manger, le plus simplement possible. Puis marcher, s’asseoir et se laisser envahir. Par la lumière, les bruits, les parfums, sentir sa peau et tout ce qui la touche, l’effleure, la caresse. Respirer. Je connais sa chanson. Ses vieux trucs de moine bouddhiste. Et je sais qu’il a raison. Je sais que c’est ce dont j’ai besoin. Me délester, sentir. M’oublier, m’ouvrir. Recueillir. Laisser le soleil chauffer ma peau, l’air pénétrer mes poumons, l’eau me diluer. Sentir battre en moi un cœur régulier.
(O.A.)

2011-02-18

soi(n) physio-logique

— (...) Avant de se plaindre d'être malade, il faudrait prouver qu'on a mérité de se bien porter.
J'ai voulu sourire, mais le docteur s'est fâché.
—Ah! vous croyez que je plaisante, a-t-il repris en élevant la voix; mais dites-moi un peu qui de nous donne à sa santé l'attention qu'il donne à sa fortune ? Economisez-vous vos forces comme vous économisez votre argent ? évitez-vous les excès ou les imprudences avec le même soin que les folles dépenses ou les mauvais placements ! avez-vous une comptabilité ouverte pour votre tempérament comme pour votre industrie ? cherchez-vous chaque soir ce qui a pu vous être salutaire ou malfaisant, avec la prudence que vous apportez à l'examen de vos affaires ? Vous-même, qui riez, n'avez-vous pas provoqué le mal par mille extravagances ?
J'ai voulu protester en demandant l'indication de ces extravagances; le vieux médecin a écarté tous ses doigts, et s'est mis à les compter l'une après l'autre.
Primo, s'est-il écrié, manque d'exercice ! Vous vivez ici comme le rat dans son fromage, sans air, sans mouvement, sans distraction. Par suite, le sang circule mal, les humeurs s'épaississent, les muscles inactifs ne réclament plus leur part de nutrition; l'estomac s'alanguit et le cerveau se fatigue.
Secundo. Nourriture irrégulière. Le caprice est votre cuisinier, l'estomac un esclave qui doit accepter ce qu'on lui donne, mais qui se venge sournoisement, comme tous les esclaves.
Tertio. Veilles prolongées ! Au lieu d'employer la nuit au sommeil, vous la dépensez en lectures ; votre alcôve est une bibliothèque, votre oreiller un pupitre ! A l'heure où le cerveau fatigué demande du repos, vous le conduisez à une orgie, et vous vous étonnez de le trouver endolori le lendemain.
Quarto. La mollesse des habitudes ! Enfermé dans votre mansarde, vous vous êtes insensiblement entouré de mille précautions douillettes. Il a fallu des bourrelets pour votre porte, un paravent pour votre fenêtre, des tapis pour vos pieds, un fauteuil ouaté de laine pour vos épaules, un poêle allumé au premier froid, une lampe à lumière adoucie, et, grâce à toutes ces précautions, le moindre vent vous enrhume, les sièges ordinaires vous exposent à des courbatures, et il vous faut des lunettes pour supporter la lumière du jour. Vous avez cru conquérir des jouissances, et vous n'avez fait que contracter des infirmités.
Quinto...
—Ah! de grâce, docteur, assez ! me suis-je écrié. Ne poussez pas plus loin l'examen ; n'attachez pas à chacun de mes goûts un remords.
Le vieux médecin s'est gratté le nez avec sa tabatière.
—Vous voyez, a-t-il dit plus doucement en se levant, vous fuyez la vérité, vous reculez devant l'enquête ! preuve que vous êtes coupable : Habemus confitentem reum! Mais au moins, mon cher, n'accusez plus les quatre saisons, à l'exemple des portières.
Là-dessus il m'a encore tâté le pouls, et il est parti, en déclarant que son ministère était fini, et que le reste me regardait.
Le docteur sorti, je me suis mis à réfléchir.
Pour être trop absolue, son idée n'en a pas moins un fond de justesse. Combien de fois nous attribuons au hasard le mal dont il faudrait chercher l'origine en nous-mêmes ! Peut-être eût-il été sage de le laisser achever l'examen commencé.
(E.S.)

> reprise audiovidéo : automanagement

> corpsolution
> soi(n)(s) révolutionnaire

2011-02-17

on est physio-logique

J'avais bien calfeutré ma fenêtre : mon petit tapis de pied était cloué à sa place; ma lampe garnie de son abat-jour laissait filtrer une lumière adoucie, et mon poêle ronflait sourdement comme un animal domestique.
Autour de moi tout faisait silence. Au dehors seulement une pluie glacée balayait les toits et roulait avec de longues rumeurs dans les gouttières sonores. Par instants, une rafale courait sous les tuiles qui s'entre-froissaient avec un bruit de castagnettes, puis elle s'engouffrait dans le corridor désert. Alors un petit frémissement voluptueux parcourait mes veines, je ramenais sur moi les pans de ma vieille robe de chambre ouatée, j'enfonçais sur mes yeux ma toque de velours râpé, et, me laissant glisser plus profondément dans mon fauteuil, les pieds caressés par la chaude lueur qui brillait à travers la porte du poêle, je m'abandonnais à une sensation de bien-être avivée par la conscience de la tempête qui bruissait au dehors. Mes regards noyés dans une sorte de vapeur erraient sur tous les détails de mon paisible intérieur; ils allaient de mes gravures à ma bibliothèque, en glissant sur la petite causeuse de toile perse, sur les rideaux blancs de la couchette de fer, sur le casier aux cartons dépareillés, humbles archives de la mansarde! puis, revenant au livre que je tenais à la main, ils s'efforçaient de ressaisir le fil de la lecture interrompue.
Au fait, cette lecture, qui m'avait d'abord captivé, m'était devenue pénible. J'avais fini par trouver les tableaux de l'écrivain trop sombres. Cette peinture des misères du monde me semblait exagérée; je ne pouvais croire à de tels excès d'indigence ou de douleur; ni Dieu, ni la société ne devaient se montrer aussi durs pour les fils d'Adam. L'auteur avait cédé à une tentation d'artiste; il avait voulu élever l'humanité en croix, comme Néron brûlait Rome, dans l'intérêt du pittoresque!
À tout prendre, cette pauvre maison du genre humain, tant refaite, tant critiquée, était encore un assez bon logement : on y trouvait de quoi satisfaire ses besoins, pourvu qu'on sût les borner; le bonheur du sage coûtait peu et ne demandait qu'une petite place !...
Ces réflexions consolantes devenaient de plus en plus confuses.... Enfin mon livre glissa à terre sans que j'eusse le courage de me baisser pour le reprendre, et, insensiblement gagné par le bien-être du silence, de la demi-obscurité et de la chaleur, je m'endormis.
Je demeurai quelque temps plongé dans cette espèce d'évanouissement du premier sommeil ; enfin quelques sensations vagues et interrompues le traversèrent. Il me sembla que le jour s'obscurcissait... que l'air devenait plus froid... J'entrevoyais des buissons couverts de ces baies écarlates qui annoncent l'hiver... Je marchais sur une route sans abri, bordée, çà et là, de genévriers blanchis par le givre... Puis la scène changeait brusquement... J'étais en diligence... la bise ébranlait les vitres des portières; les arbres chargés de neige passaient comme des fantômes; j'enfonçais vainement dans la paille broyée mes pieds engourdis... Enfin la voiture s'arrêtait, et, par un de ces coups de théâtre familiers au sommeil, je me trouvais seul dans un grenier sans cheminée, ouvert à tous les vents. Je revoyais le doux visage de ma mère, à peine aperçu dans ma première enfance, la noble et austère figure de mon père, la petite tête blonde de ma sœur enlevée à dix ans; toute la famille morte revivait autour de moi; elle était là, exposée aux morsures du froid et aux angoisses de la faim. Ma mère priait près du vieillard résigné, et ma sœur, roulée sur quelques lambeaux dont on lui avait fait un lit, pleurait tout bas en tenant ses pieds nus dans ses petites mains bleuies.
C'était une page du livre que je venais de lire, transportée dans ma propre existence.
J'avais le cœur oppressé d'une inexprimable angoisse. Accroupi dans un coin, les yeux fixés sur ce lugubre tableau, je sentais le froid me gagner lentement, et je me disais avec un attendrissement amer:
— Mourons, puisque la misère est un cachot gardé par les soupçons, l'insensibilité, le mépris, et d'où l'on tenterait en vain de s'échapper; mourons, puisqu'il n'y a point pour nous de place au banquet des vivants!
Et je voulus me lever pour rejoindre ma mère et attendre l'heure suprême à ses pieds...
Cet effort a dissipé le rêvé; je me suis réveillé en sursaut.
J'ai regardé autour de moi; ma lampe était mourante, mont poêle refroidi, et ma porte entr'ouverte laissait entrer une bise glacée! Je me suis levé, en frissonnant, pour la refermer à double tour; puis, gagnant l'alcôve, je me suis couché à la hâte.
Mais le froid m'a tenu longtemps éveillé, et ma pensée a continué le rêve interrompu.
Les tableaux que j'accusais tout à l'heure d'exagération ne me semblent maintenant qu'une trop fidèle peinture de la réalité; je me suis endormi sans pouvoir reprendre mon optimisme... ni me réchauffer.

Ainsi un poêle éteint et une porte mal close ont changé mon point de vue. Tout était bien quand mon sang circulait à l'aise, tout devient triste parce que le froid m'a saisi !
(…)
Ainsi l'homme, dans ses jugements, consulte moins la logique que la sensation; et, comme la sensation lui vient du monde extérieur, il se trouve plus ou moins sous son influence; il y puise, peu à peu, une partie de ses habitudes et de ses sentiments.
(…)
Si nos sensations ont une incontestable influence sur nos jugements, d'où vient que nous prenions si peu de souci des choses qui éveillent ou modifient ces sensations ? Le monde extérieur se reflète perpétuellement en nous comme dans un miroir et nous remplit d'images qui deviennent, à notre insu, des germes d'opinion ou des règles de conduite. Tous les objets qui nous entourent sont donc, en réalité, autant de talismans d'où s'exhalent de bonnes et de funestes influences. C'est à notre sagesse de les choisir pour créer à notre âme une salubre atmosphère.

Convaincu de cette vérité, je me suis mis à faire une revue de ma mansarde.
(…)
Ah! si nous voulions veiller à tout ce qui peut nous améliorer, nous instruire; si notre intérieur était disposé de manière à devenir une perpétuelle école pour notre âme! mais le plus souvent, nous n'y prenons pas garde. L'homme est un éternel mystère pour lui-même; sa propre personne est une maison où il n'entre jamais et dont il n'étudie que les dehors. Chacun de nous aurait besoin de retrouver sans cesse devant lui la fameuse inscription qui éclaira autrefois Socrate, et qu'une main inconnue avait gravée sur les murs de Delphes :
Connais-toi toi-même.
(E.S.)

cf. pour un autoconditionnement (ou conditionnement réflexif)
cf. le dommage et l'entrouverture
cf. les grandes raisons (se rencontrent)
...

2011-02-16

l'irrégulier régulé

Traduisons, actualisons : l'irrégulier d'aujourd'hui n'a rien à attendre d'une « sympathie » quelconque de la part des populations, puisqu'il n'a rien à leur proposer sur le plan social. Tout au plus plus peut-il compter sur une indifférence bienveillante, que son comportement réservé et courtois (« un certain air de distraction ») finira par lui obtenir. Son allié principal est son corps (…). Il ne s'agit pas de gymnastique ou de sport (en tout cas, pas en priorité) (…). Mais enfin, il est bon d'aller parfois vers ce que le corps aime : plaisir, repos, gratuité, sur fond de forte activité interne.
(P.S.)

2011-02-15

au fond, stendhal, c'est moi (1)

Il sent autrement, il raisonne autrement, il aime d'une façon qui n'appartient qu'à lui, il a besoin d'admirer, il veut devenir admirable. Il a trente-quatre ans. (…)

Stendhal a un faible pour la physiologie. (…) le reste en découle. (…)

« Il passe comme la poussière, et les chefs-d'oeuvre immortels s'avancent en silence au travers des siècles à venir. » (…)
« L'essentiel, pendant que nous y sommes, est de fuir les sots et de nous maintenir en joie. »
(P.S.)

2011-02-13

va donc savoir


...
— C'est vrai, oui. Mais je saurais rien faire d'autre. Et toi ?
— Moi c'est pareil !
— Oui mais, Lucien, est-ce que savoir rien foutre ça suffit comme but, dans la vie ?
— Pas toujours, non !
— Est-ce que ça suffit à nous excuser ?
— Est-ce qu'on excuse un poteau de remplir un trou ? Il se peut qu'au fond du trou il y a un terrier de lapin et que le poteau les écrase, mais est-ce la faute du poteau s'il s'ajuste à un trou qui était fait pour lui ?
— Oui, mais ce n'est pas comparable ! Un poteau est un objet inanimé.
— Et alors ! Est-ce que nous ne sommes pas tous plus ou moins inanimés ? Georges ?
— Oui, qu'est-ce que tu veux dire ?
— Va donc savoir !…

cf. la liberté ta soeur
cf. (pré)jugé libre

2011-02-11

La France ? Mais c'est encore Versailles !

Ici, tout est joué d'avance / Et l'on n'y peut rien changer / Tout dépend de ta naissance / Et moi je ne suis pas bien né. (J-.J.G)

(...) Et me réfugier en allemagne... Où j'ai incidemment constaté que « l'Institutionnel », puisque tu m'en parles et m'interroges là-dessus, est moins bouché, moins ultracoincé qu'en France. Eh oui, même en Allemagne ! (...) La France, là-dessus, malgré ses traditionnelles bonnes intentions et déclarations, est imbuvable ; archaïque. Ce n'est que passe-droit sur passe-droit et compagnie, accès filtrés, cloisonnés, réservés, interdits ou interminables, la Cour d'un côté, le reste de l'autre. Vois-tu ? La France, c'est encore Versailles !...
(O.K.)

                         (S.C.)

2011-02-10

sous tous les noms et à travers eux


Mon occupation ici ? Tout sauf du travail, un grand jeu à travers la mémoire et l'archive. Je traite mon sujet, à savoir qu'il n'y en a qu'un, sous tous les noms et à travers eux.
(P.S.)

2011-02-09

convanaissance (en Bretagne)

Mais ces incertitudes me tuaient ; cette situation était affreuse. Bien des fois je songeai à en sortir, violemment et à brûler ma maison pour n'avoir pas la peine de la mettre en ordre, selon l'originale expression de Rousseau. Heureusement pour moi que le suicide n'avait pas encore été mis à la mode par des exemples fameux, et je ne savais pas que se tuer fût un moyen de trouver un éditeur. Je continuai donc à traîner plusieurs mois, au milieu du tumulte de Paris, mon découragement ennuyé. Quelques tentatives nouvelles, nonchalamment essayées pour faire jouer des pièces et placer des manuscrits, restèrent sans succès et achevèrent de m'abattre. Enfin je tombai malade.
    Alors mon âme fatiguée se reprit à de vieux souvenirs. Je commencai à regretter sérieusement ma brumeuse et verte Bretagne, et le mal du pays, dont le germe avait peut-être toujours été au fond de mes découragements, me saisit avec énergie. Mon séjour à Paris, lié au souvenir de tant de désappointements, me devint insupportable. Enfin un jour, plus triste qu'à l'ordinaire, et pris d'une sorte de crise maladive, je courus rue du Bouloy, je trouvai une diligence qui partait pour ma province, et, sans plus réfléchir, je m'y jetai, laissant à Paris mes malles, mes livres, mes espérances, et faisant banqueroute à la gloire.
    J'arrivai au pays tout fiévreux et tout meurtri de mes défaites. Je fus long-temps avant de pouvoir me remettre et revenir au calme d'autrefois. J'étais comme ces marins inexpérimentés qui ont mis pied à terre avec le mal de mer, et qui longtemps après sentent encore le tangage du navire qu'ils ont quitté. Je sentais toujours autour de moi ce roulis du grand monde qui m'avait un instant étourdi ; j'éprouvais un reste de nausées, de dégoût et de colère ; j'avais comme une réminiscence du mal de Paris. Mais ces palpitations angoisseuses se calmèrent peu à peu. Je secouai les désolantes pensées sur lesquelles j'avais couché mon esprit comme sur un lit de souffrance. Alors commença pour moi une de ces convalescences morales qui ravivent et recolorent la vie. Le printemps venait de naître, et la Bretagne m'apparut dans toute sa virginale beauté. J'allai me plonger dans ses coulées ombreuses, m'asseoir à l'ombre de ses menhirs gigantesques, et j'éprouvai quelque chose de ce que dut ressentir le premier homme lorsqu'il se réveilla dans l'enchantement de son être et de la vue de l'univers qui venait d'éclore. Bientôt tout ce qu'il y avait de poétique et de neuf dans cette nature me frappa. J'admirai cette Bretagne que je n'avais jusque là considérée qu'avec le regard inattentif de l'habitude. C'était une parente près de laquelle j'avais grandi sans remarquer ses traits, et qu'après une absence je retrouvais avec surprise pleine d'un charme étrange et inaperçu. Peut-être aussi qu'au sortir de la société factice et travaillée dans laquelle j'avais roulé quelques mois, sa poétique individualité me frappa davantage. Toujours est-il que je fus saisi pour elle d'une amitié soudaine, pareille à celle qui vous prendrait pour un frère avec lequel vous auriez longtemps vécu sans intimité, et qu'une douleur imprévue, un épanchement subit, vous révélerait tout-à-coup. Je me livrai avec bonheur à l'entraînement de cette passion naissante. J'étais dans ces dispositions d'une âme enfiévrée et encore toute vibrante d'une exaltation tombée, qui portent naturellement aux enthousiasmes et aux romanesques résolutions. Je fis de mon nouveau sentiment une affection entière et profonde, une sorte de religion. Toute l'effervescence de ma volonté, portée jusqu'alors vers d'autres objets, se concentra dans cet attachement. C'était un but trouvé à mes efforts, un point d'appui pour le levier de mon intelligence. Je m'y arrêtai ; je me mis à aimer la Bretagne ainsi que j'aurais pu le faire d'une femme, et je résolus de la faire connaître dans ses secrets mérites, dans ses charmes les plus suaves et les plus ignorés. Mes études commencèrent, et je les continuai sans interruption. Mais en même temps que j'avais trouvé une occupation pour mon esprit, j'avais aussi découvert l'assiette qui convenait à ma vie. Retiré dans un travail de poésie analytique, éloigné du bruit de l'arène et n'en espérant plus les couronnes, je me trouvai tout-à-coup le cœur léger et joyeux. J'avais rencontré ma place et mon nid ; je m'y couchai heureux en rabattant mes ailes voyageuses. J'avais compris où je devais vivre désormais.
Je continuai pourtant mon travail (...). Je mis alors plus d'ordre dans mes recherches, plus de philosophie dans mes déductions. Entièrement remis du premier engouement qui m'avait porté à ces études, je résolus de ne marcher qu'avec une consciencieuse réserve. (...)
   Quant à la forme donnée à mon travail ...

(E.S.)

cf. presqu'insulaire 
cf. oùh ! la province ?

presqu'insulaire

Et la Bretagne, en général, l'air de la Bretagne, je le retrouve comme du berceau, ma source — et ressource ? À ce que j'en ressens ; ou crois ressentir. Par un certain délire peut-être. Peut-être bien. Mais la lumière, tout !... C'est comme une part de retrouvailles avec moi-même. C'est mon enfance, toute mon atmosphère – dont je suis pétri jusqu'à la « gueule », puisqu'il paraît. Jamais l'effet n'a été si fort auparavant, si prégnant. Certes je le pressentais de loin, m'y préparais, ce qui a pu jouer en sa faveur, mais ça m'a quand même pris par surprise : j'attendais le vent fort, marin… d'être sur la côte, mais ça m'a saisi dès Rennes, et sa lumière (jaune-grise), et son air, son atmosphère... de Bretagne. D'armorique !
Il faudrait que je prenne la peine de trouver les mots sur cet effet que ça me fait, mais pour ça il faudrait du temps, et c'est pas tellement mon génie. Donc c'est comme ça et puis c'est tout. Un sentiment, assez fort. J'ai bien fait de venir en hiver. Cet hiver.
(K.)


Bref. Je pourrais continuer comme ça… Mais je te dis, c'est à me demander si, au fond, ma place ne m'attendrait pas dans ce coin-là. Un jour. Et pour cause !... Qu'il faudrait pas aller chercher loin : Il paraît que le système nerveux central reste marqué, déterminé par ce qu'il épouse, ce qui l'immerge les premières années. Soi-disant. Sans parler du sang qui est le mien !... Soi-disant ; aussi. Aussi bien ? Eh oui, qu'est-ce qu'on fait de mon atavisme sanguin ? Et puis on est limite insulaire, ici, tu remarqueras bien. D'ailleurs on l'était ! Mes ancêtres, il y a des chances. J'entre pas dans les détails. Mais, est-ce que c'est pas optimal (pour moi) ne serait-ce qu'en symbole : de la presqu'île, comme ça ? Un modèle de vie ? Est-ce que c'est pas un sommet d'environnement favorable, de disposition futée ? La presqu'île... En termes de ce j'ai appelé le conditionnement réflexif. Déjà, depuis longtemps, j'adore le mot (en français), non seulement astucieux, bricoleux, bricolé et plutôt singulier, non ? et parce que magnifiquement représentatif de la chose, aussi. Jusque physiquement ; graphiquement ! PRESQU'ÎLE. Enfin, est-ce que c'est pas une aire de vie bonne, une base de bonne santé, ça ? La presqu'île. L'île c'est peut-être trop extrême, isolée ; mais la presqu'île... Ne serait-ce pas le bon terrain du/pour « s'en sortir sans sortir » ? (Comme la montagne, peut-être). Établir ses distances sans se détacher de tout, sans tout larguer, à la romantique ; non : seulement serrer le goulet, les vannes (tiens !), l'entrée de chez soi. Bref, tu vois peut-être... En tout cas, je suis de là, moi. Et las(,) du reste, j'en suis un peu là. Et le décor détermine les gestes. Et a fortiori toute la géographie d'une enfance, de zéro à plus de vingt ans, et par la suite encore — et toujours. Et encore, sans remettre ici le sang sur la table, si je puis dire ! L'histoire du sang. Eh oui !... « Contaminé » ?
(K.)

cf. convanaissance (en Bretagne)
cf. pour un autoconditionnement (ou conditionnement réflexif)
cf. comment s'en sortir sans sortir

délicatescence

Cependant un changement complet s'est insensiblement opéré en lui. Arraché aux occupations rustiques pour être jeté subitement dans le repos du corps et le travail de l'esprit, il sent tomber en même temps le cal formé sur ses mains et celui formé sur son âme. Ses membres se sont engourdis dans l'inaction ; son front basané s'est déteint à l'air des classes. Bientôt tout son corps s'amollit et s'adélicate ; le dur enfant de la campagne est devenu semblable à l'homme des villes, élevé sous verrines, et que tuerait une gelée blanche. Mais en même temps aussi, par compensation, son intelligence s'est développée ; elle a acquis des forces ; elle s'est assouplie dans l'exercice de la pensée ; son imagination enrichie a pris feu et a commencé à jeter des lueurs sur son cœur, dont il comprend mieux les mouvements et dont il analyse les désirs. La vie matérielle a cessé d'être tout pour lui ; son corps s'est amoindri, allégé, et son âme paraît à travers. Alors toutes les maladies de l'homme civilisé l'attaquent à la fois. Alors arrivent les douleurs vagues, le vide, ces tristesses sans nom et sans remède qui viennent on ne sait d'où, et font souhaiter la mort, on ne sait pourquoi. Les émotions, les désirs, les rêves trop pressés dans son cœur, y forment abcès tout-à-coup et font courir la fièvre dans toutes ses fibres.
(E.S.)

cf. écart, tellement...

2011-02-08

oui, je sais bien qu'après la pluie...

Toute la pluie tombe sur moi
Et comme pour quelqu'un dont les souliers
Sont trop étroits,
Tout va de guingois
Car toute la pluie tombe sur moi
De tous les toits
(...)

Toute la pluie tombe sur moi
Oui mais moi je fais comme si je ne la sentais pas
Je ne bronche pas, car
J'ai le moral et je me dis qu'après la pluie...
Vient le beau temps et moi j'ai tout mon temps.
(...)

Toute la pluie tombe sur moi
Oui mais moi je fais comme si je ne la sentais pas
Je ne bronche pas, car
J'ai le moral et je me dis qu'après la pluie...
J'ai le moral et je me dis qu'après la pluie...
Oui, je sais bien qu'après la pluie...
Vient le beau temps
Et moi j'ai tout mon temps
Vient le beau temps
Et moi j'ai tout mon temps
(D.H.)

L'impression de n'arriver à rien (vraiment à rien) veut dire que beaucoup se prépare.
(P.S.)

Pour que l'événement ait lieu, il faut, évidemment, un comble de fatigue, de découragement, d'angoisse, de dégoût, la morsure de mort habituelle, le coup de l'abîme. Tu te traînes, tu rampes, tu multiplies les erreurs, tu as mal partout, tes yeux fondent. Pas d'issue, torrent d'oubli, non-sens général. Et puis soleil, et puis ça va.
(P.S.)

procrast... C'est qui ? Hein ?... C'est con.

Toujours entre le repos et la veille, on cherche en vain le calme, et l'on s'arrête au bord de l'activité. Les deux tiers de l'existence humaine se consument à hésiter, et le dernier tiers à s'en repentir.
Quand je dis l'existence humaine, il faut entendre la mienne !
(E.S.)

On ne commence un travail de longue haleine qu'avec la certitude de ne pas être dérangé.
(G.P.)

2011-02-07

paroles paroles paroles

B.N. — Et la présence est aussi une forme de dialogue.
A.V. — Et quelque fois de grâce.
B.N. — Et sûrement de grâce, oui. Ce qui m'intrigue c'est que, au fond, on supporte mal la grâce. Parce qu'on supporte mal le silence… qu'on est toujours tenté de rompre en faisant surgir de la parole. Laquelle parole, automatiquement, sépare. (...) Les mots séparent, en même temps qu'ils créent la nostalgie de la réunion.

cf. dire tu
...

2011-02-06

born(e).

We were born to be alone
Everybody all alone
Born alone to be alone
We'll stand alone forever.

Standing on the world alone
Learning how to stand alone
And always to be alone
We'll be alone forever.
(C.F.)
                                           =>


Dans une formule célèbre de la Monadologie, Leibniz dit que les notions individuelles sont sans portes ni fenêtres. (...) Sans portes ni fenêtres, ça veut dire qu’il n’y a pas d’ouverture. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’extérieur. Le monde que les notions individuelles expriment est intérieur, il est inclus dans les notions individuelles. Les notions individuelles sont sans portes ni fenêtres, tout est inclus en chacune, et pourtant il y a un monde commun à toutes les notions individuelles : c’est que ce que chaque notion individuelle inclut, à savoir la totalité du monde, elle l’inclut nécessairement sous une forme où ce qu’elle exprime est compossible avec ce que les autres expriment. C’est une merveille. C’est un monde où il n’y a aucune communication directe entre les sujets. Entre César et vous, entre vous et moi, il n’y a aucune communication directe, et comme on dirait aujourd’hui, chaque notion individuelle est programmée de telle manière que ce qu’elle exprime forme un monde commun avec ce que l’autre exprime. (...) Chaque notion individuelle est comme un automate spirituel, c’est-à-dire que ce qu’elle exprime est intérieur à elle, elle est sans portes ni fenêtres ; elle est programmée de telle manière que ce qu’elle exprime est en compossibilité avec ce que l’autre exprime.

 (G.D.)

> s.e.u.l.s. 


2011-02-04

la course contre l'humanitaire

 Pauvre L., elle perdait son temps avec moi. Elle s'est mariée peu après ces séances orageuses à Rome, et elle a eu, presque tout de suite, deux enfants. On se revoit de temps en temps, mais on s'évite. Mon corps ne pense plus rien d'elle, mais je la comprends. Comme d'autres bizarreries au cours du temps, son étincelante crise de nerfs m'a confirmé dans ma voie. L. est un bon médecin, elle travaille sincèrement dans l'humanitaire. Moi je poursuis ma course.
(P.S.)

cf. désormais ni ceci ni cela 
cf. de génération sans génération 
cf. femme sans enfant sans façon
  

2011-02-03

désormais ni ceci ni cela

Comme réaction, j'aurais ça : ...
Mais aussi ça : ...
En bref, il vaut mieux passer outre. Sans se fatiguer (davantage). Au-dessus de tout ça. En dessous. Ailleurs.
(O.K.)

Mais combien plus souvent encore j'ai failli par imprudence et par légèreté ! Que de résolutions prises à l'aventure ! que d'arrêts portés dans l'intérêt d'un bon mot ! que de mal accompli faute de sentir ma responsabilité ! la plupart des hommes se nuisent les uns aux autres pour faire quelque chose ! on raille une gloire, on compromet une réputation, comme le promeneur oisif, qui suit une haie, brise les jeunes branches et effeuille les plus belles fleurs. Et cependant notre irréflexion fait ainsi les renommées! Semblable à ces monuments mystérieux des peuples barbares auxquels chaque voyageur ajoutait une pierre, elles s'élèvent lentement; chacun y apporte en passant quelque chose et ajoute au hasard, sans pouvoir dire lui-même s'il élève un piédestal ou un gibet. Qui oserait regarder derrière lui pour y relever ses jugements téméraires ?
(E.S.)

De personne au monde elle ne dirait désormais qu'il était comme ceci ou comme cela. Elle se sentait très jeune ; et en même temps, indiciblement âgée. Elle passait au travers des choses comme une lame de couteau ; et en même temps elle était en dehors de tout, et elle regardait. Elle avait perpétuellement la sensation, tout en regardant les taxis, d'être en dehors, en dehors, très loin en mer et toute seule ; elle avait toujours le sentiment qu'il était très, très dangereux de vivre, ne serait-ce qu'un seul jour. (…) et pourtant, à ses yeux, c'était complètement absorbant ; tout cela ; les taxis qui passaient ; et de Peter ni d'elle-même elle ne dirait, je suis ceci, je suis cela.
Son seul don était de connaître les gens presque à l'instinct, pensa-t-elle en poursuivant son chemin. Si on la plaçait dans une pièce avec quelqu'un, elle faisait aussitôt le gros dos ou alors elle ronronnait.
(V.W.)


cf. affinités instinctives
cf. la morale mais l'éthique, et toc
cf. la calomnie générale

2011-02-02

oùh ! la province ?

Et pour réagir et répondre sur la province, donc, et sa définition...
La province c'est peut-être là où les gens ne se croient pas capitaux ; ou tout simplement là où des habitants s'entendent dire par d'autres qu'on est ici « en province ».
Seulement, pour avoir vécu ici et là, j'aurais de quoi assurer que la province, « pays vaincus », « pour les vaincus »*, se trouve aussi à Paris, évidemment. La capitale, la vraie, en tant que telle n'étant, au fond, que le lot d'un lot de privilégiés, qu'ils soient de Paris ou d'ailleurs. Voilà en quoi et par quoi, aussi bien, on retrouve de la capitale partout ailleurs.
(O.K.)
* (Merci à PhD)

      C’est là qu’est le souffle de vie, me dis-tu, en parlant de Paris. Je trouve qu’il sent souvent l’odeur des dents gâtées, ton souffle de vie. Il s’exhale, pour moi, de ce Parnasse où tu me convies, plus de miasmes que de vertiges. Les lauriers qu’on s’y arrache sont un peu couverts de merde, convenons-en.
      Et à ce propos, je suis fâché de voir un homme comme toi renchérir sur la marquise D’Escarbagnas, qui croyait que « hors Paris, il n’y avait pas de salut pour les honnêtes gens ». Ce jugement me paraît être lui-même provincial, c’est-à-dire borné. L’humanité est partout, mon cher monsieur, mais la blague plus à Paris qu’ailleurs, j’en conviens.
      Certes, il y a une chose que l’on gagne à Paris, c’est le toupet ; mais l’on y perd un peu de sa crinière.
      Celui qui, élevé à Paris, est devenu néanmoins un véritable homme fort, celui-là était né demi-dieu. Il a grandi les côtes serrées et avec des fardeaux sur la tête, tandis qu’au contraire il faut être dénué d’originalité native si la solitude, la concentration, un long travail ne vous créent à la fin quelque chose d’approchant.
(G.F.)

2011-02-01

au fond, dino egger, c'est moi

Il faut se rendre à l’évidence : ce monde est tel parce que Dino Egger n’a jamais existé. On peut dire d’une certaine façon que l’absence de Dino Egger a été remarquée. Et même qu’elle s’est rudement fait sentir. Car Egger, on s’en doute – Dino Egger tout de même ! – n’eût pas été n’importe qui, certainement pas un de ces anonymes dont le nombre forme foule et que l’on comptabilise ou recense comme têtes de bétail sans se soucier de leurs qualités individuelles pour évaluer la population d’un pays à une époque donnée, pas un de ces braves ou moins braves types qui vont bon an mal an d’un bout à l’autre de leur vie et n’en excèdent jamais les bornes, qui existent dans le temps qui leur est imparti, opiniâtrement sans doute mais sans éclat, et rejoignent le néant d’où ils avaient surgi sans nécessité pour n’en plus jamais sortir, demeurant il se peut dans la mémoire d’un fils, d’un petit-fils parfois, exceptionnellement d’un arrière-petit-fils qui se souvient d’une barbe jaune, d’une odeur sure et d’un veston démodé assez comique. Dino Egger, non, eût été promis à un tout autre destin qui se fût confondu, donc, avec celui du monde, comme celui d’Aristote, de Périclès, de Bach, de Spinoza, de Robespierre, de Gutenberg, de Niepce, de Rimbaud, d’Edison, de Freud, de Lao Tseu ou de Mahomet.
Nous mesurons déjà mieux son importance. Je tiens un homme dont le nom n’eût point déparé une telle liste, qui lui eût fait honneur, un homme tout à fait à sa place, là, au milieu de ces statues, de ces bustes, et que nul n’eût songé seulement à considérer comme un intrus, au contraire...
(E.C.)

Dino Egger, ce nom n'évoque rien pour personne et c'est bien regrettable. C'est aussi parfaitement compréhensible, puisque Dino Egger n'a jamais existé. Il aurait pourtant accompli de grandes choses, s'il faut en croire Albert Moindre dont le nom ne vous dira rien non plus. Pas étonnant, Albert Moindre est un homme modeste, sans éclat. Tandis que Dino Egger devait marquer le monde de son empreinte, ouvrir des perspectives nouvelles, inventer l'harmonie. Pourquoi n’a-t-il pas vu le jour, en dépit de ces excellentes dispositions ? Quelle eût été son oeuvre ? Ne peut-on espérer encore et malgré tout le miracle de son apparition ?
(E.C.)

cf. de génération sans génération