N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2013-07-14

pour de l'amour poli

à C.

Je garde, et développe encore aujourd'hui, une tout autre conception des droits et des devoirs à l'intérieur d'une relation dite « amoureuse », que la (conception) normale – type « bourgeoise », si on veut, mais ancestrale aussi, primitive, animale, mammifère. Je suis partisan (et artisan autant que je peux) d'un bon progrès dans ce domaine, qui rattraperait les autres (progrès). Il serait temps ! (...) Pour moi, notre séparation n'avait pas lieu de sur-venir, à ce moment-là. Elle était tristement traditionnelle. Alors même qu'on avait amorcé ensemble quelque chose de beaucoup plus neuf et intelligent, justement. Bref... (O.K.)


Je compatissais pour ton inquiétude, mais, aussi difficile que ça puisse être, il fallait continuer de garder confiance, cette fois encore, au lieu de vouloir imposer un soudain étranglement (arbitraire) de ma « liberté ». Inimaginable pour moi. Les vraies rencontres dans la vie, intenses, sont tellement rares et si précieuses... Mais il n'est pas du tout dans ma philosophie qu'une vraie rencontre en chasse une autre. C'est ce que j'ai tenté de t'expliquer alors, très simplement, mais ton angoisse (...) a été plus forte. Elle s'est faite directive, autoritaire, et, comme tu sais peut-être, j'ai un petit problème instinctif avec l'autorité ; en même temps qu'avec les conceptions que, par notre nature et notre culture, les gens se font de la vie, de la normale, de la morale... pour leur propre malheur, et le nôtre. Car le leur malheur éclabousse, en impose, impose, c'est la norme. (O.K.)

Vivre simultanément plusieurs relations amoureuses ? J’adorerais que ça se passe comme ça mais je ne suis pas sûre que l’humanité y soit prête. (...) Non, [le sentiment amoureux n'est pas forcément exclusif, mais] la sexualité est plus exclusive que le sentiment. (...) Je pense que la jalousie est constitutive de la sexualité. Je ne suis pas philosophe, je n’ai pas fait d’enquête, je parle de mon expérience. Ce qui rend jaloux, c’est un besoin de possession sexuelle. (...) J'ai été [jalouse], je le suis moins. (...) Dans mon système à moi, c’est rentré en conflit d’une manière terrible. Il n’était pas question de remettre en cause cette permissivité et je ne pouvais pas ne pas éprouver ce sentiment de jalousie. J’étais un sujet clivé et ça c’est très douloureux (...). [L'enseignement que j'en ai tiré, c'est] que je suis contre la transparence. (...) L’autre peut être totalement libre, mais il ne doit rien dire. (...) Je n’ai jamais craint d’être quittée par l’homme que j’aimais et de me retrouver dans la solitude. Ce qui m’obsédait c’était le plaisir qu’il trouvait avec d’autres femmes, c’était purement sexuel. Toutes les représentations que je m’en faisais tournaient autour de scènes sexuelles, pas de scènes d’amour. À la limite ça ne m’intéressait pas. (C.M.)


Au fur et à mesure que croît sa passion pour Alain, son attachement devient de plus en plus exigeant et mon existence [en tant qu'épouse] lui est un obstacle : je suis de trop ! Je ne lui en veux pas ; ce rejet, je le trouve compréhensible, terriblement « normal ». Je suis pourtant on ne peut plus discrète... Que faire sinon en prendre mon parti !
(...)
Et pourtant il s'éloigne [d'elle] ; l'excès même de cette passion le fatigue : trop de jalousie, problèmes psychologiques insolubles. Sa « voracité » est grande, or Alain ne veut pas se consacrer à elle ; la disponibilité qu'elle réclame Alain n'est pas décidé à la lui offrir. Et là, mon propre effacement ne changerait sans doute pas grand-chose ; mon existence, bien sûr, n'arrange rien ; elle est extraordinairement exclusive.
(...)
Alain a besoin que l'air soit léger, qu'il circule, que rien ne pèse, n'encombre, et ne menace la colonne vertébrale de sa vie : l'exercice de l'écriture ; d'où son peu de talent, de goût pour l'amour fusionnel qui absorbe, asphyxie et affecte, en y empiétant, son domaine réservé, ses (biens connus) petits travaux qui demandent calme, sérénité et maîtrise de son « temps de cerveau disponible ».
(...)
Catherine monopolise Alain. Ses manières amoureuses s'accentuent. Elle le prend par la taille, le cou, lui caresse le visage, le tient par la main, lui parle constamment à l'oreille comme si je n'existais pas. D'ailleurs elle m'ignore : elle ne me voit pas et ne me répond pas lorsque je lui adresse la parole. Alain finit par lui dire qu'il trouve la situation pénible. (...) À vrai dire, tout cela ne me dérange pas  vraiment, sauf peut-être vis-à-vis des tiers (mais quelle importance !). Je crois même que ça m'excite plutôt.
(...)
Non je ne tire pas de plaisir particulier à être traitée par le mépris. Mon besoin de voir (comme qui dirait ma pulsion scopique) trouve son compte, en revanche, à jouir, de visu, des scènes imaginées cet hiver, où Alain est l'objet du désir et des manières amoureuses d'une jolie femme, dont l'exhibition triomphante, au lieu de me déchirer le coeur, m'excite plutôt. Je me sens double : je suis l'épouse que l'attitude vexante, très (trop) appuyée, de la maîtresse n'atteint pas plus que ça (le sentiment de rivalité n'est pas de mon côté) ; je suis aussi la femme dont l'érotisme cérébral se repaît, à distance, d'un spectacle troublant qu'elle sait sans danger. Il n'en reste pas moins que, même si les tiers importent peu, je me trouve coincée dans un rôle inconfortable où les apparences jouent contre moi : quand l'épouse et la maîtresse sont manifestement en froid, les torts sont d'office attribués à l'épouse qui n'en peut mais. Situation paradoxale qu'Alain finit par trouver injuste, « déplaisante » ; elle renforce une prise de décision, esquissée depuis un petit moment (...)

    Quand j'écris, plus haut, que je sais sans danger le spectacle public des amours de [Catherine] avec Alain, je veux dire : sans danger pour moi ; je ne me suis jamais sentie en danger d'être abandonnée.
    La façon dont il mène son aventure me donne l'impression de la vivre avec lui dans ses détails, d'en suivre les fluctuations, avec ses brillances, ses demi-teintes, ses temps morts : palpitante, pour moi, comme un feuilleton.
    Qu'on n'aille pas y déceler un fantasme saphique que j'aurais vécu par personne interposée à travers Alain ! Je n'ai jamais eu d'attirance pour qui n'en avais pas, au préalable, pour moi ; or [Catherine] n'en avait ni pour les femmes en général, ni pour moi en particulier.
    J'étais la confidente et non l'épouse dont on se cache – c'est de tradition – par de minables petits mensonges. (Alain, soit dit en passant, n'était pas du tout menteur, ce qui lui a quelquefois joué des tours). Je n'étais pas non plus l'épouse esseulée qui attend le retour du mari pour boire ses paroles. J'avais mes propres ailleurs (...). J'étais la confidente privilégiée, et l'idée qu'Alain pourrait un jour me quitter ne m'a même pas effleurée.
Comment avoir la moindre incertitude quand je crois dur comme fer à la solidité d'Alain, quand je crois dur comme fer à l'impossibilité de notre séparation, persuadée que la « transparence » de la relation me met à l'abri de tout aléa ?
    Lorsque s'établit cette transparence entre Alain et moi, c'est sans a priori, sans pacte initial, sans même y penser, selon la pente naturelle de nos idiosyncrasies ; Alain me demande expressément d'ouvrir son courrier pendant ses absences, quelle qu'en soit la provenance, ce que n'imagine pas d'emblée certaines de ses correspondantes. C'est notre façon, peu courante, de resserrer notre entente, en tenant à distance, bien qu'autorisées au départ, dès notre mariage, mes échappées sexuelles qui, racontées, deviennent des anecdotes parmi d'autres, dénuées d'importance.
    Une transparence qui paraissait tellement enviable aux yeux de quelques-uns de nos amis qu'ils la prirent comme modèle, au risque de capoter sur le chemin malaisé pour les sensibilités fragiles et les caractères peu affirmés. Il capotèrent.
(C.R.-G.)


Entretenir une relation amoureuse avec plusieurs personnes de manière simultanée et sans tabou, c'est la liberté que revendiquent les personnes polyamoureuses. S'affranchissant des notions de conjugalité, d'exclusivité ou de fidélité propres aux règles de la monogamie, les polyamoureux cherchent à vivre leurs différentes histoires en toute sincérité avec leurs partenaires. G., polyamoureuse de 26 ans, expose sa vision des relations.

Pour résumer, le polyamour désigne le fait d’entretenir des relations amoureuses avec plusieurs personnes de manière simultanée, honnête et transparente. Mais il n’existe pas qu’une seule définition du polyamour. Toutes les personnes qui le pratiquent choisissent la forme qui leur convient, et celle-ci peut évoluer au fil des relations. Les relations polyamoureuses sont à distinguer des relations polypartenariales, qui n’impliquent que l’existence de relations sexuelles, et non sentimentales.

Les relations polyamoureuses peuvent se construire autour d’un couple qui décide de ne pas fermer la porte aux sentiments que chacun et chacune peut potentiellement ressentir pour des tiers. Elles peuvent aussi s’organiser sans noyau principal. Elles se veulent non hiérarchiques ; une différence de nature entre les relations peut néanmoins exister.

Le polyamour permet d’éviter les côtés négatifs de la monogamie, notamment la dépendance affective, les tabous et les drames causés par la jalousie et les soupçons. Il permet d’échapper à la norme monogame qui impose [la crise, et généralement] la rupture comme une obligation en cas de rencontre sentimentale et/ou sexuelle avec une autre personne. Le modèle traditionnel est contraignant en ce qu’il force à renoncer à vivre des histoires par peur de perdre une personne aimée. Il met toujours en danger les relations, il entretient un sentiment d’insécurité affective permanent. Par ailleurs, il suppose l’appropriation du corps de son ou sa partenaire et implique une forme de contrôle pour s’assurer de son exclusivité.

(...) 
Il ne faut pas non plus croire que les relations poly[amoureuse]s sont toujours exemptes de jalousie. Il s’agit d’apprendre à la gérer, car on ne naît pas [dans une culture donc un conditionnement] polyamoureux. Cette pratique est le fruit de questionnements sur la pertinence du couple monogame envisagé comme seul modèle légitime de relations. Le polyamour implique une réflexion sur un certain nombre de comportements intériorisés et considérés comme inhérents à la liaison amoureuse (possessivité, jalousie etc.). Dans mon cas, c’est au fil de rencontres et d’échanges que j’ai construit ma vision des relations telles que je les pratique aujourd’hui, en sachant que ma manière de les envisager peut évoluer au cours du temps. Une autre difficulté majeure est d’établir des règles en faisant en sorte qu’elles conviennent à tous les partenaires.

Mais les préjugés les plus tenaces viennent de l’extérieur : souvent, les relations polyamoureuses ne sont pas considérées comme de « vraies » relations, elles ne sont pas valables aux yeux de la société. Elles ne sont pourtant ni moins fortes, ni moins importantes ! Pour beaucoup, le polyamour ne serait qu’une « peur de l’engagement » due à une immaturité affective. Il est nécessaire de reconnaître la validité de tous les modes de relations, tant qu’ils font l’objet d’un accord entre les partenaires.

Au niveau de la famille, souvent attachée au modèle du couple traditionnel, il est difficile de faire son « coming out » de polyamoureuse/polyamoureux. Les problèmes peuvent aussi venir, lorsqu’on est « poly », d’un partenaire qui souhaite imposer l’exclusivité comme condition de la relation. Il y a souvent peu de négociation possible dans ce cas : la parole et les désirs de la personne « poly » seront a priori illégitimes car ils vont à l’encontre de la norme dominante en matière de relations.


cf. CHAPITRE : amouréinventé
et autres