N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2011-03-18

au fond, cioran, c'est moi (1)

L’obsession de Cioran, c’était d’aider sa famille… (...)
Cioran a essayé de s’en tirer, il faisait toujours comme ça, il essayait d’esquiver. Il a dit : je ne vais pas faire une préface, je vais écrire une lettre, une lettre à l’éditeur. (…)
Au fond, je crois qu’il n’aimait pas tellement écrire. (…)
Alors, il disait : j’ai promis d’écrire ça, pourquoi est-ce que j’ai promis, et voilà que la date arrive. II était dans tous ses états et disait : jamais je ne pourrai écrire cet article. Puis, tout d’un coup, il se retirait dans sa chambre, et il écrivait. Ça m’étonnait toujours, je trouvais ça extraordinaire qu’on puisse écrire avec cette facilité. (…)
Et Cioran répliquait : mais je ne suis pas capable d’écrire des mémoires, des récits. Je n’ai pas ce qu’il faut pour faire ça.

(…) Ce n’était pas un journal. Ce sont, je ne sais pas comment les décrire, des cahiers. (…) Cela participe aussi du cahier de brouillon il y a beaucoup de choses qu’il a reprises dans ses livres, certaines absolument mot pour mot. Pour certaines phrases, dans ces cahiers, il y a trois ou quatre versions à la suite les unes des autres. Et il veut arriver à un point de perfection dans la formulation. Mais il y a aussi beaucoup d’autres choses. (…)
— Et en quoi ces cahiers différaient-ils d’un journal proprement dit ?
— Ce n’est pas du tout quelqu’un qui écrit : aujourd’hui, j’ai vu Untel, j’ai fait ceci et cela. (…)
Certaines choses sont très travaillées, très réfléchies, d’autres spontanées au contraire. Il n’y a aucune unité. (...)
— (…) et enfin ces réflexions dont vous dites qu’elles sont si amères.
— (…) En même temps, certains passages sont comme une bouteille à la mer. (…)
Et ce qui revient, c’est toujours le sentiment d’échec. Ça me fait tellement mal de lire ces choses, penser qu’il était à ce point habité par le sentiment de l’échec, qu’il était malheureux.
— Ce sentiment d’échec, c’était par rapport à sa réussite en tant qu’écrivain, par rapport à sa renommée qu’il jugeait insuffisante ?
— (…) Nous étions absolument renversés parce que Cioran, en France, était le parfait inconnu, alors que… (…)
Le succès de Cioran est venu très très tard. (…)
Je crois que Cioran est mort sans savoir qu’il était reconnu. (...)
Certes, son attitude vis-à-vis de la gloire est ambiguë. (…)

(…) Vous savez comment était Cioran, il était très, il pouvait être très …
— Méchant ?
— Oui. C’est-à-dire, qu’il n’a jamais pu résister devant un mot drôle, une exagération. (...)
Cioran avait une manie, c’était d’aider les gens, de les conseiller, de les obliger même à faire certaines choses. Cioran aimait beaucoup donner des conseils... (…)

En ce qui concerne Cioran, le mot d’emploi du temps ne correspond à rien ! (...)
Cioran était absolument imprévisible, toujours. (…)  Avec lui, faire un projet, c’était absolument exclu. C’était quand même quelquefois compliqué pour moi, parce que je devais prévoir malgré tout. (…)
Je crois que j’ai eu au début des mouvements de révolte, mais on arrive toujours, si on doit vivre ensemble, à une sorte de modus vivendi, et lui aussi avait sans doute à supporter des choses, même si évidemment, je pense avoir été plus facile à vivre que lui !
(…) Et Cioran qui avait l’habitude de se lever et de se coucher à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, a compris qu’on ne pourrait pas tenir. (…)

(…) Pour lui, c’était comme le travail manuel, marcher, faire de la bicyclette, c’était évacuer la conscience, c’était ne plus être que dans le paysage, dans le mouvement de la marche.
Quand on faisait ces randonnées, à pied ou à bicyclette, on faisait des kilomètres, dans une journée, avec le sac à dos, on a même fait du camping. (...)
J’étais épuisée. Cioran increvable. (...)

Il adorait travailler avec ses mains. Pour lui, jardin égalait bonheur. Le revers de la médaille, c’était les conversations. (...)
Souvent, ils allaient dîner tous les trois, et c’était Cioran qui parlait, surtout. (…)
Beckett ne parlait pas, il était l’opposé absolu de Cioran, le balkanique ! Mais ils avaient des terrains d’entente très profonds. (…) Il y a la même chose chez Beckett, ce refus de la naissance : il aurait mieux valu ne pas être né, c’est tout. (…)
— Vous n'avez jamais souhaité avoir un enfant, essayé de le convaincre ?
— Vous imaginez, un enfant avec Cioran !
(S.B.)

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