... Enfin, la vie ça s'apprend, aussi, et depuis quelque temps je finis par comprendre que... on est pas tous pareils. (Ha!) Tout le monde n'aspire pas à la philosophie. (...) J'ai pensé, longtemps. (...) Enfin, je sais pas si un jour je comprendrai qu'on puisse vouloir se dispenser de philosophie — pratique, bien sûr. Pour moi, c'est infiniment mystérieux, c'est comme vouloir être malheureux. Chercher à l'être, pour voir comment ça fait. Ou alors, s'accommoder de l'être, sans lever le petit doigt ; en attendant la mort, que ça s'arrête enfin ; pour voir. Bref, bref. Un jour, peut-être...
(O.k. - réponse à adèle)
D — (...) Et vraiment, j'ai pas dû l'appréhender assez franchement, mais la philosophie ne m'est d'aucune aide, dans ces moments.
— C'est qu'en effet tu n'as « pas dû l'appréhender assez franchement », comme tu dis. Ou pas la bonne. Celle qui sauve, de tout. Des noms? Spinoza, deleuze... Mais ensuite, tout dépend de ton tempérament philosophique. À chacun correspond une attitude philosophique, ou une synthèse d'attitudes, mais il y a des grandes voies/voix. Tu serais plutôt tendance socratique, épicurienne, stoïcienne, platonicienne, sceptique, aristotélicienne, cynique ? (que recoupent les philosophies non-occidentales). Et j'ajouterais, car elles se sont faites irréductibles à ces courants : spinoziste, nietzschéenne, deleuzienne, ottokarlienne ? À toi de savoir, de trouver. Même par toi-même. Mais trouver une cohérence d’approche, une cohérence philosophique.
D — Peut-être après, une fois que le réel est passé.
— Ah, c'est trop tard! d'une certaine façon. La philosophie sert justement à se pré-munir de ça.
D — Mais avant, pfff, y a tant de paramètres...
— À moins de les réduire à un seul, ou quelques-uns. Et c'est ça, la philosophie. Très précisément. Et tout se simplifie.
D - (...) Et là, je sens son absence [à untelle] comme un être en soi. Je tenais plutôt bon, mais je me sens vraiment faiblir, là.
— En partie, mais déterminante, par manque de vie alentour. Et parce que tu t'y es mal pris à la base, par manque de philosophie, justement. J'ai pas cessé de te le dire, mais je sentais que c'était trop tard, tu étais pris, et volontiers, même, à t'y rouler ; et pas préparé. Mais bon... C'est peut-être que je l'ai été trop tard moi-même, en quelque sorte, sans prétendre l'être tout à fait aujourd'hui. (Et de toute façon tu n'es pas passé ici (...). Alors qu’est-ce que je pouvais faire ?)
D — Hâte que ça passe.
— Rah, putain... Saleté d'université, qui ne forme à rien du tout, d'essentiel, de salvateur ! Il y a certains philosophes pour ça, mais encore faut-il y (re)trouver assez d'intérêt, ou plutôt d'abord l'énergie d'aller y com-prendre quelque chose, sinon l'essentiel. Et je te promets que ça s'y trouve. Avec deleuze maintenant je suis sûr de ça ; avec moi seul, je me sentais un peu seul, mais j'ai trouvé un allié. (Et tchouang-tseu? que je connais pas encore assez, mais je crois que c'est un bon coup.)
Bref...
D'ailleurs je prépare un truc, là, depuis une semaine, qui pourrait te faire comprendre qqch, te faire saisir PEUT-ÊTRE! un tant soit peu ta mauvaise approche... Mais je sais pas quand ce sera fini. Enfin, merde, presque tout est déjà exprimé sur nordexpress. Mais c'est pas le tout de le lire une fois, évidemment. Ça passe complètement à côté de ce qu'est la philosophie, ça, ne lire qu'une seule fois. La philosophie c'est pas juste de l'information, c'est de la formation ! C'est fondamental de le comprendre, ça. C'est pas en claquant des doigts...
« Il est vrai aussi », comme dit pierre hadot, « que l'exposé théorique ne peut être complet si l'auditeur ne fait pas en même temps un effort intérieur... »
Et c'est pas le tout d'être d'accord ou pas, d'y « souscrire » ou que sais-je. Le même pierre hadot distingue deux choses :
« L'assentiment notionnel, c'est l'acceptation d'une proposition théorique à laquelle on adhère d'une manière abstraite, comme une proposition mathématique, 2 et 2 font 4. Cela n'engage à rien, c'est purement intellectuel. [L'assentiment réel], c'est quelque chose qui engage tout l'être : on comprend que la proposition à laquelle on adhère va changer notre vie. (...) Pour arriver à cet assentiment réel, il faut utiliser l'imagination, les raisonnements aussi, et toute une discipline psychologique. »
« Et qui est », ferais-je ajouter à deleuze, « comme une découverte vitale, une certitude de la vie, qui change la manière de vivre si l’on s’y accroche vraiment. »
Voilà. Mais bon. Tu as fait, si j'ose dire, tes "choix", pour en arriver là, et on apprend aussi comme ça. Mais à quel prix ! Moi c'est de ce prix-là que je veux faire l'économie et m'y emploie, de plus en plus. Donc construire sa ligne (brisée) de joie ! Je suis en train. Mais c'est du boulot, ça. Et en amont ! Pas en aval, quand on dévale...
Enfin, je pense que tu pourrais encore réagir, pour atténuer les effets. Ça demanderait une conversion de ta perspective. Et pour ça, lecture assidue de deleuze (ou d'ottokarl, qui prépare ENCORE qqch DE PLUS... qui pourrait ÉVENTUELLEMENT! t'aider d'un chouia. Trop tard, mais... Qui sait...)
(...)
D — Après, ouais, je vois tout à fait le problème d'assentiment. J'ai parfois eu l'impression qu'il était réel, mais assez rarement. L'assentiment, réel, l'est de fait, avec les phénomènes.
— Mais c'est trop tard. Tu te retrouves balloté par les effets. Donc passivité, et tristesse, ou joie, mais par hasard, sans maîtrise, sans cette maîtrise qui ferait dire que tu « possèdes ta puissance », et là, dans ce cas, c'est la joie. Mais tout ça sera suggéré et rappelé dans ce truc parmi 50 que je prépare ; et te prépare en particulier, donc. (Sans grand espoir d'un effet immédiat, à force, mais un jour, qui sait... Et je le fais en tout cas pour moi aussi.)
D — Et puis il y a toujours cette impression que tu [otto karl] n'es pas toi-même tant dans la vie que ça, mais bien plus dans la philosophie, justement.
— Haha ! Comment tu dissocies, toi ? (C'est justement de les dissocier qui montre ton incompréhension de la chose, de son intérêt, de l'intérêt que ça peut avoir.) Bref, indissociable. Et : tu es venu me rendre visite [dans ma « retraite »]** ?
D - Et que ça paraît bien plus simple, à travers ce prisme, plutôt que de se lancer.
— Mais de se lancer où ? Ça sert à quoi ? Justement, quand on vit à travers la philosophie, il s'agit pas d'avoir une vie folle, mais une vie d'intensité, où qu'on soit, quoi qu'on fasse. Une vie intensive, plutôt qu'extensive*. Ne pas confondre. Et si toi tu cherches la vie folle à tout prix, alors effectivement il y a plus rien à dire. Plus de philosophie. Il y a plus qu'à assumer. Et même assumer reviendrait à la philosophie. Non, là ce qui est non-philosophique et donc malheureux (pour tout le monde!) ce serait de chercher la vie folle sans en assumer vraiment les conséquences (cosmo)logiques, sans « être digne de ce qui nous arrive », dirait deleuze. Alors là ça fait chier tout le monde.
D — Je veux dire : tu es plutôt en retraite / retrait, non ?
— (...) [c'est] ma vallée de l'ascèse à moi. Philosophique. Et tu t'es jamais demandé pourquoi, pour quoi faire ? et si tu n'en aurais pas besoin toi-même, d'un tel passage, d'une telle période, d'une telle expérience (d'anachorèse), d'une telle (auto/otto)formation ? Et à plus forte... de plus en plus forte raison, il me semble.
Enfin bref, tu crois savoir quelle est ma vie, sur l'idée que tu t'en fais, de loin, dans l'espace, et dans le temps.
Je suis venu ici pour m'améliorer encore d'un bon cran. Et il me semble bien que c'est le cas. Même s'il me reste du chemin. Et quand je redescendrai dans le monde (pense à zarathoustra, toute proportion gardée), je me retrouverai confronté sans doute (et sans doute) à tous ces gens égarés... comme des zombies... à faire peur. C'est ça! qui fait le plus peur : tout ce qui m'entoure, de non-philosophique. C'est bien là qu'est l'enfer, et le danger. Et la philosophie sert même jusqu'à l'accepter. Ce sera peut-être le cran d'après, mais sur lequel j'avance déjà.
(O.k. - dialogue avec d.)
* intensive : Qui a la plénitude de l’être. / Se dit d’une grandeur physique indépendante de la quantité de matière présente dans l’échantillon.
extensive : Qui étend, qui fait effort pour étendre. / Se dit d'une grandeur physique qui dépend de la quantité de matière présente dans l'échantillon.
** Et j'avais déjà pensé à ça : que tu passes vivre ici une semaine, en suivant... épousant mon rythme, pour voir. Expérimenter. Comme dit deleuze : expérimentez, n'interprétez jamais. (...) Que tu te fasses, plutôt qu’une idée, une expérience. Une semaine c'est évidemment pas assez long pour un effet de fond, mais pour une légère impulsion ? Même à retardement. Le temps que ça mûrisse. Non pas pour faire pareil que moi (comment voudrais-tu que ça te convienne en propre ; on en est loin, même !), mais t'en trouver de la graine, en faire ton propre miel. Un jour... (pas forcément immédiat, encore une fois, sauf miracle ! Mais il y en a pas. Tout est long travail. Du moins, tout ce qui est valable.)
cf. entres les sages et les autres : le philosophe
cf. attitude philosophique universelle
cf. désertic
cf. le dommage et l'entrouverture
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