N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2010-06-14

peindre sans cinéma

Les Primitifs se fichaient pas mal de la religion. S'ils peignaient des anges et des vierges, c'est qu'on les leur avaient commandés. C'était aussi pour faire passer autre chose. Car ils avaient fait une découverte un peu difficile, un peu choquante. Ils avaient découvert qu'il était dangereux de trop bien peindre ; que les bleus et les ors et les perles, ça finit par être trop beau, trop brillant ; que ça écrase la peinture, ça lui enlève sa raison d'être et sa dignité. Justement on venait, dans leur temps, d'inventer de nouvelles couleurs, plus riches que les autres ; de nouvelles façons de perspective. De nouvelles sections plus ou moins dorées. Ils se défendaient comme ils pouvaient. Ils marquaient, à leur manière, qu'il n'y a pas de peinture qui vaille (ni d'oeuvre humaine peut-être) sans quelque défaut. C'est aussi bien là ce qu'ont su, de tout temps, les grands hommes, ceux qui ont (comme l'on dit) marqué leur époque. Les inventeurs des cérémonies, et des jeux d'eau et des jardins français, par exemple, savaient très bien ce que chacun eût pu savoir : c'est qu'un jardin doit être vaste et majestueux, c'est qu'il doit donner à la fois un sentiment d'aisance et d'ordre, d'indépendance et de majesté. Mais ils savaient autre chose encore qu'il est mille fois plus difficile de savoir (et, en tout cas, d'appliquer) : c'est qu'un jardin, et un jeu d'eau, et une cérémonie, doivent être légèrement ridicules ; d'un ridicule assez léger, pour faire passer toute le reste. Ce que je dis est très évident, et plutôt terre à terre. (...) [Les peintres chinois] ont très bien senti ce que ne savent pas toujours les peintres européens : c'est qu'un peintre ne doit pas abuser de la situation. Qu'il ne doit pas être trop peintre, ni trop fier de l'être. Que c'est là une sorte de singularité qu'il doit plutôt tâcher de faire oublier. (J.P.)
« Moi peindre ? disait le peintre Mi Fei, vous plaisantez. Je fredonne ma petite chanson. — Moi peindre ? disait le peintre sou-tong-po, vous voulez rire. Je fais cuire ma petite casserole. — Que puis-je y faire ? disait yu-k'o, sitôt que j'ai bu du vin, il sort de mon foie réjoui des rochers et des bambous. Ils sortent en grand nombre, et je ne puis les arrêter. »
(J.P.)

cf. pochoir
cf. de la lecture sans lecture à l'écriture sans écriture
cf. le génie du primitivisme ou le génie

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