N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

> page d'accueil

2013-07-29

la pensée humaine est de nature scientifique

    ... l'exigence d'organisation est un besoin commun à l'art et à la science (...). (C.L.-S.)

   ... l'homme s'est d'abord attaqué au plus difficile : la systématisation au niveau des données sensibles, auxquelles la science a longtemps tourné le dos. (C.L.-S.) 

    La chimie moderne ramène la variété des saveurs et des parfums à cinq éléments diversement combinés : carbone, hydrogène, oxygène, soufre et azote. En dressant des tables de présence et d'absence, en évaluant des dosages et des seuils, elle parvient à rendre compte de différences et de ressemblances entre des qualités qu'elle aurait jadis bannies hors de son domaine parce que « secondes ». Mais ces rapprochements et ces distinctions ne surprennent pas le sentiment esthétique : ils l'enrichissent et l'éclairent plutôt, en fondant des associations qu'il soupçonnait déjà, et dont on comprend mieux pourquoi, et à quelles conditions, un exercice assidu de la seule intuition aurait déjà permis de les découvrir ; (...). L'intuition seule inciterait à grouper l'oignon, l'ail, le chou, le navet, le radis et la moutarde, bien que la botanique sépare les liliacées des crucifères. Avérant le témoignage de la sensibilité, la chimie démontre que ces familles étrangères se rejoignent sur un autre plan : elles recèlent du soufre (K., W.). Ces groupements, un philosophe primitif ou un poète aurait pu les opérer en s'inspirant de considérations étrangères à la chimie, ou à toute autre forme de science (...). Or ce n'est pas là, seulement, l'effet d'une frénésie associative, promise parfois au succès par le simple jeu des chances.  (C.L.-S.)

    Dans l'histoire de la pensée scientifique, cet effet d'anticipation s'est d'ailleurs produit à plusieurs reprises. (C.L.-S.)

    Ce souci d'observation exhaustive et d'inventaire systématique des rapports et des liaisons peut aboutir, parfois, à des résultats de bonne tenue scientifique (...). Pourtant, on ne peut isoler ces réussites de tant d'autres rapprochements du même genre, et que la science déclare illusoires. Mais n'est-ce pas que la pensée magique, cette « gigantesque variation sur le thème du principe de causalité », disaient Hubert et Mauss, se distingue moins de la science par l'ignorance ou le dédain du déterminisme, que par une exigence de déterminisme plus impérieuse et plus intransigeante, et que la science peut, tout au plus, juger déraisonnable et précipitée ?
(...)
    Entre magie et science, la différence première serait donc, de ce point de vue, que l'une postule un déterminisme global et intégral, tandis que l'autre opère en distinguant des niveaux dont certains, seulement, admettent des formes de déterminisme tenues pour inapplicables à d'autres niveaux. Mais ne pourrait-on pas aller plus loin, et considérer la rigueur et la précision dont témoigne la pensée magique et les pratiques rituelles comme traduisant une appréhension inconsciente de la vérité du déterminisme en tant que mode d'existence des phénomènes scientifiques, de sorte que le déterminisme serait globalement soupçonné et joué, avant d'être connu et respecté ? (C.L.-S.)

    La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'un tout non encore réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre système que constituera la science, sauf l'analogie formelle qui les rapproche et qui fait du premier une sorte d'expression métaphorique du second. Au lieu, donc, d'opposer magie et science, il vaudrait mieux les mettre en parallèle, comme deux modes de connaissance, inégaux quant aux résultats théoriques et pratiques (...), mais non par le genre d'opérations mentales qu'elles supposent toutes deux, et qui diffèrent moins en nature qu'en fonction des types de phénomènes auxquelles elles s'appliquent.
(C.L.-S.)

cf. la science du philosophe
cf. otto / karl, entre science et poétHique : postphilosophes

2013-07-22

s'entend la rencontre

C'est tombé sur moi. Vite fait, plus ou moins bien fait, on n'en parle plus.
— Et vous ?
    On se tutoie ou on se vouvoie ? Les deux, ce sera plus juste. Je lui raconte que j'ai décidé de ne rien faire, sauf peut-être écrire, et encore. Écrire ? Elle a l'air surprise, je ne dois pas avoir la tête à ça. Écrire quoi, d'abord ? Des romans ? « Les choses qui m'arrivent. — Parce qu'il vous arrivent des choses ? — On dirait. » Elle rit. Comment je vis ? Un peu n'importe comment, mes parents m'envoient de l'argent depuis leur province, sans savoir que je ne vais plus à la Sorbonne depuis longtemps. (...) « Tout se passe au jour le jour, dis-je. — À la nuit à la nuit ? — Voilà. » Elle ne semble pas choquée, la confiance est là, physique. (...)
    (...) Tu, vous, la danse.
    (...)
    Pas de pourquoi simple dans ce genre de rencontre, tout se joue dans un poudroiement de détails. Dans la parole, surtout : écoute, respiration, réserve, silence. On s'entend, expression vraie. Quelque chose se veut, se dégage, ne s'use pas, ne s'arrête pas. On dirait que parfois les morts s'en mêlent, certains de leurs moments lumineux, en tout cas. Les liaisons ennuyeuses ou tragiques sont des erreurs de peau, de squelette, de parfum, de voix. On s'obstine, malgré l'ennui, on veut y croire, on n'ose pas s'avouer qu'on est constamment gêné par ceci ou cela, on appelle le tout passion, possession, on pense même qu'on a eu raison d'avoir tort, qu'il faut continuer à se forcer, mais on se trompe, c'est seulement la mort qui rôde, là, lourde, puritaine, fanatiquement impuissante, frigide. La vraie passion est gratuité et repos, facilité à s'arrêter, à se taire, dormir, disparaître. Du feutré.
(...)
   
D., depuis le début ne m'a rien demandé : ni d'où je venais, ni où j'allais, ni ce que je voulais. Elle s'en est tenue aux comportements, aux gestes. Réalisme (...). (...) Instinct transmis, sûreté d'appréciation dans les plis. (...)

Pourquoi redouter quoi que ce soit ? Tu arriverais avec quelqu'un d'autre au même coefficient d'immédiateté, d'inceste joué, de tendresse réelle, de cruauté filée de velours ? À la même vicieuse douceur ? Si c'est le cas, soit, dis-moi, on verra.
(P.S.)

> sympathie paradiGmatique !
> l'art de rencontrer d'aimer

> CHAPITRE : affinité
> CHAPITRE : pour l'art rencontre


2013-07-20

contre l'amorosité passive

 Nous sommes [en général] amoureux sans savoir pourquoi. C'est un état joyeux qui nous paraît miraculeux, et d'autant plus envoûtant que nous ne le comprenons pas. Mais nous sommes ainsi en proie au doute et à l'insécurité affective. Ne comprenant pas notre amour, nous devenons suspicieux, jaloux et possessifs. Notre amour pour un rien pourra se transformer en son contraire, notre joie risque de se renverser subitement en tristesse. En comprendre les causes transforme la passion amoureuse en amour actif. En sachant pourquoi on aime quelqu'un, nous serons plus sûr de notre amour, moins en proie aux montagnes russes passionnelles que sont le doute, la jalousie, (...) la frustration... (B.T.)

... comment le dire en deux mots ?... en « amour » le désir est premier, l'objet est second. On a d'abord le désir, en l'occurrence de tomber amoureux – c'est-à-dire au fond de renaître à soi-même par une cause extérieure, se payer une décharge immédiate de vie nouvelle, une relance du sens de sa vie, une intensification facile de son existence – et l'objet quant à lui est plus hasardeux, contingent, illusoire, on prend un peu ce (fla-) qu'on trouve, du moment qu'on ait l'ivresse, ça fera l'affaire, d'y croire assez, de trouver à s'épanouir au moins quelque peu, au moins quelque temps. Il y a une formule qui dit « faute de trouver ce qu'on désire, on désire ce qu'on trouve » ; alors je la conteste dans la mesure de son idéalisme – impliquant qu'un objet de désir précède le désir, alors que je prétends le contraire –, mais ça pourrait résumer grossièrement. (...)
(...) ce que je pointe aussi dans cette méca nique de l'amour, c'est ce jeu de rôles: bon, c'est pas de toi que je rêvais au fond, mais comme tu es là, « parce que tu étais là » (comme dit la chanson de dominique a) et que c'est un peu le désert autour et que fondamentalement je désire, sans pouvoir m'en empêcher, je désire par essence, alors on va faire avec,
avec toi, comme ça, comme si.
Et c'est presque toujours comme ça. Ha. Même quand on y croit à fond, naïvement. L'objet est moins fondamental que le désir. Le désir ne fait que se chercher des objets, des prétextes... des canaux, comme de l'eau (de rose ;) engagée sur un pente, car on est engagé dans le désir, vitalement. (O.K.)


Que répondre à tout ça [cette passion manifeste] ? Laisser décanter, je crois. Voilà ce que je choisis. Meilleur moyen que tu retrouves véritablement tes « esprits », et non pas seulement en intention et déclarations. Et que tu accèdes désormais par toi-même, et ce travail philosophique hélas après-coup, via la rumination de mes chapitres et de spinoza, à la com-préhension de ce que je t'explique et te répète depuis le début sur tout ça, la passion hallucinée qui au fond dépasse largement son objet illusoire, et qui par cette méconnaissance (passive) des causes, de ses motivations égoïstes réelles ne peut rendre que triste, malheureux, car balloté, etc. Voilà la première réponse que je ferais (...). Et si déjà ça peut t'aider... t'encourager à continuer le travail dans ce sens... d'assagissement... de clairvoyance... d'intelligence... (O.K.)

« Aimer », c'est ressentir une joie qu'on croit ne pas venir de l'intérieur, qu'on croit ne pas savoir produire soi-même, mais qui serait provoquée par un être extérieur, une personne, une chose ou une idée. De cette manière, les joies ressenties ne nous apparaissent plus aléatoires et fluctuantes, mais comme des états que nous pouvons, grâce à l'existence de cette cause repérable et identifiable, revivre de manière régulière et prévisible. Encore faut-il parvenir à se l'attacher et à s'y unir solidement. Cependant, aimer, (...) c'est aussi – et, malheureusement, presque toujours – se tromper sur les causes de l'amour, se tromper sur l'origine de sa joie, et s'attacher à ce qui nous attriste bien plus qu'il ne nous réjouit. Aimer, c'est croire que quelque chose nous réjouit, même si l'effet réel est contraire. (B.T.)
(...)
    Reprenons la définition de l'amour [selon spinoza] :
    « L'amour est une joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure. »
    Cette définition nous dit bien que la seule chose qui est réelle dans l'amour, c'est notre sentiment ; c'est-à-dire la joie éprouvée. L'objet sur lequel porte ce sentiment, en revanche, n'est qu'une idée que nous attachons, avec plus ou moins de circonspection, à cette joie. Dans beaucoup de cas, c'est seulement dans notre imaginaire que cet objet est une cause de joie. Il nous incombe aussi de renverser notre conception et notre appréhension de l'amour. (B.T.)

    Nous ne sommes pas davantage lucides sur le monde extérieur que sur nous-mêmes. Car nous nous confrontons encore au même problème : ce ne sont toujours pas les choses extérieures que nous percevons, mais l'effet qu'elles nous font, la réaction qu'elles provoquent et leur empreinte en nous. En goûtant un aliment, ce n'est pas la composition de l'aliment lui-même que nous percevons, mais la réaction de nos papilles (...). En tombant amoureux d'une personne, ce n'est pas la personne elle-même que nous percevons, mais les désirs et les craintes qu'elles suscitent, les souvenirs qu'elle évoque, la sensibilité qu'elle stimule.
(...) En réalité, nous ne connaissons que nos réactions, nos sensations, notre épiderme existentiel et affectif. Nous ignorons complètement les causes de ces réactions, qu'elles soient internes (...) ou externes (...). (B.T.)
    
    Pour commencer, ce qui  détermine notre amour, ce qui guide notre choix, c'est uniquement notre sentiment, et en aucune façon la qualité réelle de l'objet de notre affection, ou pire, des « valeurs » transcendantes auxquelles il est censé correspondre. Ce n'est pas l'excellence ou la bonté ou la beauté d'une chose, d'une idée ou d'une personne qui nous le rend aimable, mais uniquement le fait que nous associons une augmentation de notre énergie vitale [notre puissance], c'est-à-dire une joie, à sa présence. (...) Ce n'est donc pas l'autre la véritable raison de notre amour, mais simplement le sentiment qui accompagne sa présence.

... la source de l'amour ne se situe pas dans les qualités réelles de l'objet aimé, son excellence ou sa bonté, mais simplement dans les variations d'humeur ou d'énergie vitale que nous ressentons en sa présence. (B.T.)

... nos relations sont la plupart du temps aliénées, c'est-à-dire attachées à des objets imaginaires. Pour sortir de cette aliénation affective, nous devons comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans nos choix affectifs. (B.T.)

Nos errances passionnelles sont ainsi non pas des fautes, au sens moralisateur du terme, mais des erreurs, des défauts de notre connaissance et de notre jugement – et non pas de notre moralité. (B.T.)

... il nous manque la connaissance adéquate de ce que nous sommes et de ce qui nous entoure. Bien que nous soyons conscients de nous-mêmes et de ce qui nous arrive, cette conscience n'est qu'une connaissance mutilée, tronquée, partielle et souvent imaginaire. Notre vie affective devient violente et passionnelle essentiellement parce que nous nous trompons sur nous-mêmes et sur les événements qui nous arrivent. (B.T.)

Il y a un fil rouge qui traverse toutes nos errances affectives : l'homme a besoin de croire en quelque chose, même s'il s'agit d'une erreur. L'homme a aussi besoin de désirer quelque chose, quoi que ce soit, même si ce désir est une illusion. Il s'ensuit que l'homme a besoin d'aimer quelque chose, de s'attacher à quelque chose, même si, en réalité, cette chose le détruit plus qu'elle ne le construit, l'attriste plus qu'elle ne le réjouit. (B.T.)

Que l'objet soit erroné ou imaginaire, nous avons toujours besoin de projeter nos sentiments sur quelque chose.
    Nous ne pouvons faire autrement, car il y va de notre énergie vitale, de l'équilibre de nos forces intérieures. Pour nous maintenir face aux obstacles et aux dangers de la vie, pour nous donner la force de les dépasser, nous imaginons ce que nous croyons capables de nous renforcer. Et, à l'inverse, nous nous efforçons de nier l'existence de ce que nous croyons nous menacer, voilà pourquoi certains ont besoin de haïr à tout prix, de s'opposer à des dangers pourtant inexistants, de militer pour des causes imaginaires...
    Si nous ne pouvons faire autrement que de nous attacher à des objets d'amour ou de haine artificiels, nous pouvons néanmoins tenter de comprendre par quels mécanismes s'enchaînent ces attachements. Quels sont les trompe-l'oeil qui aliènent notre désir (...) (B.T.)

« Le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'on la conçoit comme déterminée, par la suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. » [spinoza]

    Parce que fondamentalement nous sommes des êtres de désir. (...) Cela signifie que nous sommes désir, rien que désir. (B.T.)

    Si être, c'est désirer, désirer, pareillement, c'est pas autre chose qu'être. (B.T.)

    Ce que nous désirons, c'est être nous-mêmes, pleinement, et sans concession. (B.T.)

    (...) ce n'est pas l'objet du désir qui provoque notre désir. Nous ne désirons pas une chose ou quelqu'un parce qu'ils nous paraissent merveilleux, hors du commun, indispensables : nous ne les désirons que parce qu'ils nous permettent d'être ce que nous sommes. (...)
    Nous désirons parce que certaines choses nous apportent de la joie et ainsi augmentent notre puissance et notre capacité à nous réaliser nous-mêmes. En nous interrogeant sur notre désir, ne nous demandons pas ce que nous voulons avoir, mais plutôt ce que nous voulons être à travers ce que nous désirons. (B.T.)

    Si vous êtes victime d'une avalanche (...), vous ne penserez certainement pas que la montagne vous [a] visé spécifiquement. Vous êtes juste passé au mauvais endroit au mauvais moment. (...)

    Il semble difficile d'accepter que le même mécanisme conditionne l'amour des autres. En effet, si les autres nous aiment, ce n'est pas non plus parce qu'il ont délibérément choisi de le faire, et ce n'est pas non plus parce qu'ils nous ont choisis en particulier, mais parce qu'à un moment donné nous nous sommes trouvés disponibles pour jouer le rôle prévu par leur scénario affectif. (B.T.)

(H.M.)

> cet secondaire objet du désirt
> l'amour inventé, à réinventer... : réinventé 
> la roue méca nique de l'amour
> CHAPITRE : amouréinventé
> CHAPITRE : antiromantisme

2013-07-18

du détermunisme, quoi de plus ?

On est, chacun, à la fois fruit de ses aïeux et produit de son environnement. Quoi de plus ? (O.K.)

 (J.R.)(O.K.) - à audrey -

cf. la liberté ta soeur
cf. CHAPITRE : physio-logique
cf. idiosintelligence(s)
cf. CHAPITRE : intelligence

confchance dans le réel

- à gilles -

Confiance dans le réel !
(o.K.)

Les grands artistes ont du hasard dans leur talent et du talent dans leur hasard.
(V.H. – merci à G.F.)

« Saisir sa chance demande un esprit poétique ». (...) Je n’ai rien contre la rationalité, mais j’aimerais donner à penser contre son excès, contre la mathématisation à outrance du monde qui me semble dominer aujourd’hui. (...) pour provoquer la chance, je crois qu’il est d’abord nécessaire de desserrer les mâchoires contraignantes de ce cartésianisme qui nous berce depuis notre enfance et qui fait de nous des psychorigides. Nous nous sommes habitués à ne voir le monde qu’à travers la loi de la cause et de l’effet, alors qu’il y a quantité d’autres manières de l’appréhender, et bien d’autres choses que la logique par lesquelles se laisser porter. À commencer par cette intuition, ce sens commun qui nous traverse parfois (...) et nous permet d’être en relation avec le monde tel qu’il est… peut-être ! En tout cas, tel qu’il reste mystérieux.
— D’où viennent, selon vous, ces étranges coïncidences que nous pouvons expérimenter ?
— Pour moi, ces fulgurances témoignent d’un ordre étranger à cette logique à laquelle nous sommes attachés. Et elles sont autant d’occasions qui nous sont données de rentrer en contact avec cet instinct perdu. Elles nous invitent à observer, à ressentir le monde plus librement…
— Plus poétiquement ?
— Oui, je crois en effet que la capacité à provoquer la chance est celle de l’esprit poétique, de l’attitude poétique. (...) Les chances et les hasards sont (...) davantage offerts à ceux qui savent contempler.
—Au fond, vous invitez à mettre en repos la volonté…
— … telle que nous avons tendance à la concevoir en Occident : la volonté « volontariste ». Celle qui nous fait nous crisper au moment où il faudrait nous assouplir et tenter de nous adapter. À cette volonté, je préfère celle qui passe par le désir et le plaisir. (...)
— Et c’est là, pensez-vous, que la chance sourit ?
— Oui (...). C’est le fameux lâcher-prise. Dans le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, le maître enseigne à l’apprenti que, pour mettre la flèche dans la cible, il ne doit pas viser. (...) Tout l’enseignement des maîtres zen consiste à se déconditionner, de manière à retrouver en soi ce sens de l’immédiat – donc, des opportunités, telles que la chance.
— (...) vous relatez plusieurs anecdotes qui montrent que les jolis hasards vous sourient souvent. N’est-ce pas parce que vous avez envie de voir du sens partout ?
— Est-ce parce que j’en ai envie ou parce que ce sens existe ? Sans doute est-ce un mélange des deux impossible à démêler, comme le dit Jung… (...)
— Votre grand-père était lui-même un grand chanceux...
— Mon père disait de lui qu’il n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi débrouillard. Étrange, non ? Comme s’il composait à la fois avec la réalité que l’on connaît et avec cette autre, plus mystérieuse… (...)
— Et la malchance [secondaire], (...) à quoi tient-elle ?
— À la peur [?] J’ai constaté que, quand mon désir m’incite à aller dans telle direction et que je choisis pourtant de ne pas y aller et de me ranger du côté de la doxa, c’est souvent par peur. Elle frappe également quand on n’est pas dans un état d’attention et d’ouverture à notre environnement ; parce que, trop pris dans la logique cartésienne et rigide, l’on est incapable de s’abandonner aux choses telles qu’elles arrivent, de s’écouter, de s’accepter. Ou que l’on est pris dans la culpabilité… (...) Quand on est trop dans la culpabilité, on ne peut pas saisir sa chance car on a l’impression de ne pas la mériter. On n’a pas assez « souffert » ! C’est le poids de notre culture judéo-chrétienne, où seul ce qui s’obtient avec l’effort est valable…
— Que conseillez-vous pour apprendre à saisir sa chance ?
— L’observation des animaux. Le chat, par exemple : regardez-le dormir. À la moindre souris qui passe ou feuille qui virevolte, il bondit de manière foudroyante alors qu’on le croyait en pleine léthargie. Le chat ne se pose pas de questions : il ne rate pas une occasion de jouer. Je préconise aussi l’art du jardin – à l’anglaise, surtout pas à la française ! – pour reprendre contact avec la nature, notre nature sauvage. Puis cultiver le goût des temps morts. (...) C’est dans l’attente que l’on se rencontre un peu soi-même, mais aussi que quantité de choses peuvent nous arriver. Avez-vous remarqué que l’on peut passer quinze jours dans un hôtel sans parler avec personne et, au moment de partir, faire une rencontre passionnante ? Parce que, à ce moment-là, on ne court plus après rien, on se détend, on lâche prise…
— Selon vous, pouvons-nous vivre dans cet état d’émerveillement permanent au quotidien ?
—Attention, il ne s’agit pas non plus de chercher à s’émerveiller sans cesse. (...) Pour moi, c’est cela, l’état poétique. C’est se rendre disponible à vivre le merveilleux, la chance, mais sans pour autant sombrer dans l’idéalisme. Car, alors, on risque de perdre le contentement simple que l’on a à exister dans un moment heureux. (D.G. – merci à D.S.)

Il n'est rien de plus urgent que d'apprendre la patience, le plaisir de se perdre, la ruse et le détour, la danse et le jeu, pour se retrouver capable de façonner sa vie comme une ironique oeuvre d'art.
(J.A. – merci à L.C.)

 La chance fait partie du talent.
(F.T.)

cf. à propos, vivre
cf. l'en jeu
cf. reître
cf. du culminant
cf. pas à pas 
cf. CHAPITRE : aventure
cf. CHAPITRE : éco-logique

2013-07-15

parce que pas que

L’art est la preuve que la vie ne suffit pas. (C.Pa.)
Je fais de la poésie parce que demain je suis mort. (C.Pe.)

2013-07-14

pour de l'amour poli

à C.

Je garde, et développe encore aujourd'hui, une tout autre conception des droits et des devoirs à l'intérieur d'une relation dite « amoureuse », que la (conception) normale – type « bourgeoise », si on veut, mais ancestrale aussi, primitive, animale, mammifère. Je suis partisan (et artisan autant que je peux) d'un bon progrès dans ce domaine, qui rattraperait les autres (progrès). Il serait temps ! (...) Pour moi, notre séparation n'avait pas lieu de sur-venir, à ce moment-là. Elle était tristement traditionnelle. Alors même qu'on avait amorcé ensemble quelque chose de beaucoup plus neuf et intelligent, justement. Bref... (O.K.)


Je compatissais pour ton inquiétude, mais, aussi difficile que ça puisse être, il fallait continuer de garder confiance, cette fois encore, au lieu de vouloir imposer un soudain étranglement (arbitraire) de ma « liberté ». Inimaginable pour moi. Les vraies rencontres dans la vie, intenses, sont tellement rares et si précieuses... Mais il n'est pas du tout dans ma philosophie qu'une vraie rencontre en chasse une autre. C'est ce que j'ai tenté de t'expliquer alors, très simplement, mais ton angoisse (...) a été plus forte. Elle s'est faite directive, autoritaire, et, comme tu sais peut-être, j'ai un petit problème instinctif avec l'autorité ; en même temps qu'avec les conceptions que, par notre nature et notre culture, les gens se font de la vie, de la normale, de la morale... pour leur propre malheur, et le nôtre. Car le leur malheur éclabousse, en impose, impose, c'est la norme. (O.K.)

Vivre simultanément plusieurs relations amoureuses ? J’adorerais que ça se passe comme ça mais je ne suis pas sûre que l’humanité y soit prête. (...) Non, [le sentiment amoureux n'est pas forcément exclusif, mais] la sexualité est plus exclusive que le sentiment. (...) Je pense que la jalousie est constitutive de la sexualité. Je ne suis pas philosophe, je n’ai pas fait d’enquête, je parle de mon expérience. Ce qui rend jaloux, c’est un besoin de possession sexuelle. (...) J'ai été [jalouse], je le suis moins. (...) Dans mon système à moi, c’est rentré en conflit d’une manière terrible. Il n’était pas question de remettre en cause cette permissivité et je ne pouvais pas ne pas éprouver ce sentiment de jalousie. J’étais un sujet clivé et ça c’est très douloureux (...). [L'enseignement que j'en ai tiré, c'est] que je suis contre la transparence. (...) L’autre peut être totalement libre, mais il ne doit rien dire. (...) Je n’ai jamais craint d’être quittée par l’homme que j’aimais et de me retrouver dans la solitude. Ce qui m’obsédait c’était le plaisir qu’il trouvait avec d’autres femmes, c’était purement sexuel. Toutes les représentations que je m’en faisais tournaient autour de scènes sexuelles, pas de scènes d’amour. À la limite ça ne m’intéressait pas. (C.M.)


Au fur et à mesure que croît sa passion pour Alain, son attachement devient de plus en plus exigeant et mon existence [en tant qu'épouse] lui est un obstacle : je suis de trop ! Je ne lui en veux pas ; ce rejet, je le trouve compréhensible, terriblement « normal ». Je suis pourtant on ne peut plus discrète... Que faire sinon en prendre mon parti !
(...)
Et pourtant il s'éloigne [d'elle] ; l'excès même de cette passion le fatigue : trop de jalousie, problèmes psychologiques insolubles. Sa « voracité » est grande, or Alain ne veut pas se consacrer à elle ; la disponibilité qu'elle réclame Alain n'est pas décidé à la lui offrir. Et là, mon propre effacement ne changerait sans doute pas grand-chose ; mon existence, bien sûr, n'arrange rien ; elle est extraordinairement exclusive.
(...)
Alain a besoin que l'air soit léger, qu'il circule, que rien ne pèse, n'encombre, et ne menace la colonne vertébrale de sa vie : l'exercice de l'écriture ; d'où son peu de talent, de goût pour l'amour fusionnel qui absorbe, asphyxie et affecte, en y empiétant, son domaine réservé, ses (biens connus) petits travaux qui demandent calme, sérénité et maîtrise de son « temps de cerveau disponible ».
(...)
Catherine monopolise Alain. Ses manières amoureuses s'accentuent. Elle le prend par la taille, le cou, lui caresse le visage, le tient par la main, lui parle constamment à l'oreille comme si je n'existais pas. D'ailleurs elle m'ignore : elle ne me voit pas et ne me répond pas lorsque je lui adresse la parole. Alain finit par lui dire qu'il trouve la situation pénible. (...) À vrai dire, tout cela ne me dérange pas  vraiment, sauf peut-être vis-à-vis des tiers (mais quelle importance !). Je crois même que ça m'excite plutôt.
(...)
Non je ne tire pas de plaisir particulier à être traitée par le mépris. Mon besoin de voir (comme qui dirait ma pulsion scopique) trouve son compte, en revanche, à jouir, de visu, des scènes imaginées cet hiver, où Alain est l'objet du désir et des manières amoureuses d'une jolie femme, dont l'exhibition triomphante, au lieu de me déchirer le coeur, m'excite plutôt. Je me sens double : je suis l'épouse que l'attitude vexante, très (trop) appuyée, de la maîtresse n'atteint pas plus que ça (le sentiment de rivalité n'est pas de mon côté) ; je suis aussi la femme dont l'érotisme cérébral se repaît, à distance, d'un spectacle troublant qu'elle sait sans danger. Il n'en reste pas moins que, même si les tiers importent peu, je me trouve coincée dans un rôle inconfortable où les apparences jouent contre moi : quand l'épouse et la maîtresse sont manifestement en froid, les torts sont d'office attribués à l'épouse qui n'en peut mais. Situation paradoxale qu'Alain finit par trouver injuste, « déplaisante » ; elle renforce une prise de décision, esquissée depuis un petit moment (...)

    Quand j'écris, plus haut, que je sais sans danger le spectacle public des amours de [Catherine] avec Alain, je veux dire : sans danger pour moi ; je ne me suis jamais sentie en danger d'être abandonnée.
    La façon dont il mène son aventure me donne l'impression de la vivre avec lui dans ses détails, d'en suivre les fluctuations, avec ses brillances, ses demi-teintes, ses temps morts : palpitante, pour moi, comme un feuilleton.
    Qu'on n'aille pas y déceler un fantasme saphique que j'aurais vécu par personne interposée à travers Alain ! Je n'ai jamais eu d'attirance pour qui n'en avais pas, au préalable, pour moi ; or [Catherine] n'en avait ni pour les femmes en général, ni pour moi en particulier.
    J'étais la confidente et non l'épouse dont on se cache – c'est de tradition – par de minables petits mensonges. (Alain, soit dit en passant, n'était pas du tout menteur, ce qui lui a quelquefois joué des tours). Je n'étais pas non plus l'épouse esseulée qui attend le retour du mari pour boire ses paroles. J'avais mes propres ailleurs (...). J'étais la confidente privilégiée, et l'idée qu'Alain pourrait un jour me quitter ne m'a même pas effleurée.
Comment avoir la moindre incertitude quand je crois dur comme fer à la solidité d'Alain, quand je crois dur comme fer à l'impossibilité de notre séparation, persuadée que la « transparence » de la relation me met à l'abri de tout aléa ?
    Lorsque s'établit cette transparence entre Alain et moi, c'est sans a priori, sans pacte initial, sans même y penser, selon la pente naturelle de nos idiosyncrasies ; Alain me demande expressément d'ouvrir son courrier pendant ses absences, quelle qu'en soit la provenance, ce que n'imagine pas d'emblée certaines de ses correspondantes. C'est notre façon, peu courante, de resserrer notre entente, en tenant à distance, bien qu'autorisées au départ, dès notre mariage, mes échappées sexuelles qui, racontées, deviennent des anecdotes parmi d'autres, dénuées d'importance.
    Une transparence qui paraissait tellement enviable aux yeux de quelques-uns de nos amis qu'ils la prirent comme modèle, au risque de capoter sur le chemin malaisé pour les sensibilités fragiles et les caractères peu affirmés. Il capotèrent.
(C.R.-G.)


Entretenir une relation amoureuse avec plusieurs personnes de manière simultanée et sans tabou, c'est la liberté que revendiquent les personnes polyamoureuses. S'affranchissant des notions de conjugalité, d'exclusivité ou de fidélité propres aux règles de la monogamie, les polyamoureux cherchent à vivre leurs différentes histoires en toute sincérité avec leurs partenaires. G., polyamoureuse de 26 ans, expose sa vision des relations.

Pour résumer, le polyamour désigne le fait d’entretenir des relations amoureuses avec plusieurs personnes de manière simultanée, honnête et transparente. Mais il n’existe pas qu’une seule définition du polyamour. Toutes les personnes qui le pratiquent choisissent la forme qui leur convient, et celle-ci peut évoluer au fil des relations. Les relations polyamoureuses sont à distinguer des relations polypartenariales, qui n’impliquent que l’existence de relations sexuelles, et non sentimentales.

Les relations polyamoureuses peuvent se construire autour d’un couple qui décide de ne pas fermer la porte aux sentiments que chacun et chacune peut potentiellement ressentir pour des tiers. Elles peuvent aussi s’organiser sans noyau principal. Elles se veulent non hiérarchiques ; une différence de nature entre les relations peut néanmoins exister.

Le polyamour permet d’éviter les côtés négatifs de la monogamie, notamment la dépendance affective, les tabous et les drames causés par la jalousie et les soupçons. Il permet d’échapper à la norme monogame qui impose [la crise, et généralement] la rupture comme une obligation en cas de rencontre sentimentale et/ou sexuelle avec une autre personne. Le modèle traditionnel est contraignant en ce qu’il force à renoncer à vivre des histoires par peur de perdre une personne aimée. Il met toujours en danger les relations, il entretient un sentiment d’insécurité affective permanent. Par ailleurs, il suppose l’appropriation du corps de son ou sa partenaire et implique une forme de contrôle pour s’assurer de son exclusivité.

(...) 
Il ne faut pas non plus croire que les relations poly[amoureuse]s sont toujours exemptes de jalousie. Il s’agit d’apprendre à la gérer, car on ne naît pas [dans une culture donc un conditionnement] polyamoureux. Cette pratique est le fruit de questionnements sur la pertinence du couple monogame envisagé comme seul modèle légitime de relations. Le polyamour implique une réflexion sur un certain nombre de comportements intériorisés et considérés comme inhérents à la liaison amoureuse (possessivité, jalousie etc.). Dans mon cas, c’est au fil de rencontres et d’échanges que j’ai construit ma vision des relations telles que je les pratique aujourd’hui, en sachant que ma manière de les envisager peut évoluer au cours du temps. Une autre difficulté majeure est d’établir des règles en faisant en sorte qu’elles conviennent à tous les partenaires.

Mais les préjugés les plus tenaces viennent de l’extérieur : souvent, les relations polyamoureuses ne sont pas considérées comme de « vraies » relations, elles ne sont pas valables aux yeux de la société. Elles ne sont pourtant ni moins fortes, ni moins importantes ! Pour beaucoup, le polyamour ne serait qu’une « peur de l’engagement » due à une immaturité affective. Il est nécessaire de reconnaître la validité de tous les modes de relations, tant qu’ils font l’objet d’un accord entre les partenaires.

Au niveau de la famille, souvent attachée au modèle du couple traditionnel, il est difficile de faire son « coming out » de polyamoureuse/polyamoureux. Les problèmes peuvent aussi venir, lorsqu’on est « poly », d’un partenaire qui souhaite imposer l’exclusivité comme condition de la relation. Il y a souvent peu de négociation possible dans ce cas : la parole et les désirs de la personne « poly » seront a priori illégitimes car ils vont à l’encontre de la norme dominante en matière de relations.


cf. CHAPITRE : amouréinventé
et autres

2013-07-10

au fond, antoine loyer, c'est moi

Bien qu'il soit aussi grivois, léger, autodérisoire, Antoine Loyer se dévoue à son art avec autant de ce sérieux qu'il faut mettre dans l'érotisme, le jazz ou la magie. Du génie, il a au moins les défauts : intempestif, obnubilé, égocentré, adolescent. Mais l'être est bel et bien beau et ne vous veut que du bien. D'une totale modestie, les concessions lui sont impossibles hélas, et c'est en toute humilité (comme Oscar Wilde au directeur d'un théâtre qui lui demandait de corriger une réplique de sa propre pièce) qu'il pourrait répondre "Qui suis-je? mais qui suis-je? pour changer une ligne à un tel chef d'oeuvre !" (A.L.)


(A.L.)(O.K.)

2013-07-09

la science du philosophe

Un philosophe est une intelligence de type scientifique s'étant trouvée requis par la nécessité d'une appréhension du réel le plus entier et le plus immédiat, quotidien, terre-à-terre, et l'urgence d'y savoir vivre du mieux possible, tout autre affaire cessante. Intelligence scientifique qu'un penchant et une urgence existentielle, donc, dévoient et dévouent à l'étude pragmatique de l'existence humaine dans son ensemble – cosmo-logique. Bref, un philosophe tel que je le conçois est évidemment bien un chercheur scientifique, seulement appliqué tout entier au métier de vivre qui est le nôtre, « l'unique et âpre métier de vivre » – ensemble. (O.K.)


K — ... faute de trouver surtout comment exprimer cette idée qu'il y a aussi des scientifiques ou, du moins, des esprits scientifiques cachés derrière des gens qui ne le sont pas officiellement (par exemple D. ou moi, qui en av(i)ons les inclinations et les aptitudes et jusqu'aux résultats scolaires, bacs scientifiques, etc., mais il a fallu faire un choix, un de plus, et c'est alors la philosophie  – la science-mère ! et lièvre à la fois ! – qui a gagné, pris le dessus, ou dans un premier temps pour l'un) et qui n'en sont pas moins littéraires (ou sinon pas loin, pour l'un, haha). D'ailleurs, quand je pense aux grands scientifiques ou grandes consciences scientifiques de leur temps, ne sont-ils pas en général aussi d'honorables lettrés philosophes ? Du moins, ceux dont j'ai connaissance – forcément. Bref, tout ça pour dire quoi, réagir à quoi ? Ben, je sais pas ; ça m'échappe encore un peu, là..

J — C'était pour placer au passage que t'étais tout aussi philosophe que scientifique.

K — Hahah. Mais plus sérieusement : d'esprit, oui ! Et pour cause ! Puisque, pour moi, ça part du même esprit. La philosophie telle que je la conçois est une science. Je vois pas la différence, si ce n'est que celle-ci se refuse autant que possible à réduire son champ d'observation, de conclusions et d'application, dans l'espace comme dans le temps, happée qu'elle est par l'urgence de mieux vivre au plus tôt, elle veut rien lâcher du réel dans son ensemble pris comme tel, pour y exercer ses observations, ses intuitions afin de toujours mieux s'orienter dans la vie et au plus vite, sans attendre quoi que ce soit et donc en avance sur les éventuelles confirmations spécifiques qui viendront ensuite, ou pas, desdites sciences ou d'ailleurs. Elle est première et dernière, c'est la science-mère et généraliste, elle devance la science et même les sciences depuis toujours, c'est le lièvre, par urgence éthique et politique. Les philosophes comme je les entends, et même s'ils ne portent pas ce nom, sont des esprits scientifiques happés par l'urgence de mieux vivre ici et maintenant, individuellement et donc collectivement ou l'inverse, sans attendre après telle ou telle confirmation rationnelle et partielle : « la science est trop lente » ! Bref, pour moi, ce sont des scientifiques appliqués au métier de vivre. Tout simplement. Et « je connais le travail ; et la science est trop lente. Que la prière galope et que la lumière gronde... je le vois bien ». (O.K.)

C'est donc tout un profil. Pas de hasard pour nous qui, plus ou moins, ne voulons rien lâcher de l'ensemble, ne pas coller notre nez – alors que la vie passe et nous engage sans relâche – sur un point précis, à creuser, au détriment du reste, de l'ensemble, cet ensemble qui nous interpelle sans cesse et en tant que tel, nous sollicite de tout urgence, tout autre petite affaire cessante. Pour nous, c'est avant tout la grande. La grande affaire, avant tout. Et, merde, ça occupe toute une vie. Et plus qu'une vie, d'où le recours bienvenu aux contributions des prédécesseurs et confrères. (O.K.)




cf. la pensée humaine est de nature scientifique
cf. CHAPITRE : (auto)philosophe

2013-07-08

con(tre)science du philosophe



(J.-L.G.)(O.K.)


Moi, pas envie d'entendre ? Euh, (...) tu me confonds encore une fois avec toi-même, ou disons avec ton fonctionnement à toi. Moi que presque plus rien ne surprend plus, à force de « tout » regarder en face et d'en capter le « fond », des mécanismes... Ce qui nous a valu tant de déconvenues, toi et moi, souviens-toi, puisqu'indéfiniment tu tends de ton côté à refuser cette intelligence*-là. Enfin bref. (...) Moi, comme tu sais ou finirais par le savoir, je saisis... et peut-être comprends bien assez le « fond » de « l'histoire », du principe à tout ça, du ressort de tout ça, que... ha!...
(O.K.)

Quant à l'hypersensibilité par (trop de) clairvoyance, je te répondrais qu'il y a moyen d'atténuer la première en poussant encore plus loin la seconde, jusque dans ses derniers retranchements théoriques, pratiquement. C'est ce que je crois avoir fait, et poursuivre. Et, tiens, pour te mettre sur la voie – qui serait mienne – il y a une fille qui vient de commercialiser un livre de vulgarisation philosophique joliment intitulé Lâcher prise avec Schopenhauer. Si tu vois ce que je veux dire, où elle veut en venir... Mais peut-être mieux que Schopenhauer, plus près de nous en tout cas, il y a aussi otto karl ! (...) Au moins aussi clairvoyant, le gars, mais plus nuancé et plus guilleret, tu me connais !
(O.K.)

* au sens ottokarlien


cf. chapitre R. (comme réel et rosset)
cf. chapitre défausophie