Le Luftmensch, terme yiddish passé dans la langue allemande, désignait originairement quelqu'un de peu pratique, de tête en l'air, et qui n'est enraciné nulle part. C'est pour moi l'exacte définition de quelqu'un qui (...) entend rester lui-même sur un autre mode que ceux qu'on lui propose. Il peut élaborer une existence de funambule, et alors toute son adresse consiste à se maintenir en l'air, conscient qu'il y a une sorte d'abîme dans lequel il peut tomber à tout moment. Dans cette position exposée, intermédiaire, menacée, le funambule, ne peut pas se contenter de vouloir rester en repos car alors il serait sûr de tomber. Il lui faut bouger en contre-balançant. C'est pour cela que je trouve la barre du funambule et ses deux extrémités si intéressantes : il lui faut constamment jouer de l'une contre l'autre pour se maintenir au milieu. Et l'attrait qu'il exerce sur celui qui le regarde est l'attrait qu'exercent toutes les activités artistiques. Toute activité artistique est à la fois réflexive, voluptueuse – au sens du pas de côté – et nécessairement risquée. Seul le risque intéresse.
(H.W.)(merci à I.K.)
(H.W.)(merci à I.K.)