N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

> page d'accueil

2009-12-30

bélier versus poison

Chez moi, le seul fait de me conduire de façon complice avec quelqu'un ou quelqu'une dit tout, en termes de validation élective, j'ai le sentiment de tout y faire passer, ou l'essentiel, et qu'il n'y ait rien besoin d'ajouter, en compliments, qui ne soit inférieurement redondant, comme hypocoristique, obscène plus ou moins.
En revanche (de la même logique), quitte à heurter bien souvent, lorsqu'un élément d'apparence contingente me déplaît solidement chez un ou une complice, mon idiosyncrasie me pousse à m'en ouvrir à lui ou elle, afin, me semble-t-il, d'empêcher au maximum que cette contrariété ne passe alors dans mon comportement, ne s'y insinue, n'y « descende », si on veut, et s'y exprime par sa manière à lui, physique, sournoise, combien plus chère payée, empoisonnante pour la relation, nos existences ; jusqu'à fomenter une apocalypse* relationnelle, type Le Verdict (de Kafka).
(o.K.)

* au sens courant autant qu'étymologique, bien entendu.

> ce que j'en panse, donc je te suis

cf. saine de ménage
cf. au fond, la rochefoucauld, c'est moi
cf. carrément, sur fond blanc
cf. pouvoir sur soi
cf. l'art de rencontrer d'aimer

2009-12-27

au fond, rembrandt, c'est moi

Il y a des peintres de l'ombre et des peintres de la lumière. Rembrandt est un grand peintre de la lumière, (...) « la lumière qui désagrège ».
(G.D.)



Rembrandt Harmenszoon van Rijn, habituellement désigné sous son seul prénom de Rembrandt (...) a réalisé près de 400 peintures, 300 eaux-fortes et 300 dessins. La centaine d'autoportraits qu'il a réalisé tout au long de sa carrière nous permet de suivre son parcours personnel, tant physique qu'émotionnel. Le peintre représente sans aucune complaisance, ses imperfections et ses rides.
(...) Les scènes qu'il peint sont intenses et vivantes. Ce n'est pas un peintre de la beauté ou de la richesse (...) [il] représente aussi des scènes de la vie quotidienne (...) Sa famille proche (...) apparaissent régulièrement dans ses peintures. (...)
En gros, ses premières signatures (ca. 1625) se composaient d'un premier "R", ou le monogramme "RH" (pour Rembrant Harmenszoon, c'est-à-dire «fils de Harmen"), et à partir de 1629, "RHL" ( "L "était, vraisemblablement, de Leiden). En 1632, il a utilisé ce monogramme au début de l'année, puis a ajouté à son patronyme, "RHL-van Rijn", mais a remplacé cette forme dans la même année et a commencé à utiliser son prénom seul avec son orthographe d'origine, "Rembrant". En 1633, il a ajouté un "d", et a toujours maintenu cette forme à partir de là, ce qui prouve que cette petite modification avait un sens pour lui. Ce changement est purement visuel, il ne change pas la façon dont son nom est prononcé. Curieusement, malgré le grand nombre de peintures et de gravures signées avec ce changement de prénom, la plupart de ses documents qui sont mentionnés au cours de sa vie ont conservé l'orthographe originelle "Rembrant". (...) Sa pratique de signer son travail de son prénom, suivie plus tard par Vincent van Gogh, [aurait pu être] inspirée par Raphaël, Léonard de Vinci et Michel-Ange, qui, hier comme aujourd'hui, ont été appelés par leur prénom seul.
(w.)

2009-12-22

la contrebande de la philosofficielle ®

L'histoire de la philosophie a toujours été l'agent de pouvoir dans la philosophie, et même dans la pensée. Elle a joué le rôle de répresseur : comment voulez-vous penser sans avoir lu platon, descartes, kant et heidegger, et le livre de tel ou tel sur eux ? Une formidable école d'intimidation qui fabrique des spécialistes de la pensée, mais qui fait aussi que ceux qui restent en dehors se conforment d'autant mieux à cette spécialité dont ils se moquent. Une image de la pensée, nommée philosophie, s'est constituée historiquement, qui empêche parfaitement les gens de penser. (...)

J'ai donc commencé par l'histoire de la philosophie, quand elle s'imposait encore. Je ne voyais pas de moyen de m'en tirer, pour mon compte. (...) Alors j'aimais les auteurs qui avaient l'air de faire partie de l'histoire de la philosophie, mais qui s'en échappaient d'un côté ou de toutes parts : lucrèce, spinoza, hume, nietzsche, bergson. (...) Tous ces penseurs sont de constitution fragile, et pourtant traversés d'une vie insurmontable. Ils ne procèdent que par puissance positive, et d'affirmation. Ils ont une sorte de culte de la vie (...)

Et j'ai écrit des livres davantage pour mon compte. Je crois que ce qui me souciait de toute façon, c'était de décrire cet exercice de la pensée, soit chez un auteur, soit pour lui-même, en tant qu'il s'oppose à l'image traditionnelle que la philosophie a projetée, a dressée dans la pensée pour la soumettre et l'empêcher de fonctionner.
(G.D.)


cf. anti(quitter la) philosophie moderne
cf. les philosoph(i)es clandesti-né(e)s
cf. autophilosophe

2009-12-21

le goût dur

Il est important de savoir distinguer entre ce qu’on souffre par nécessité et ce qu’il nous fait plaisir d’endurer. Faute d’accomplir la séparation, on manque, par complaisance dans la plainte sur des motifs de souffrir qui, au fond, nous sont chers, le plaisir de souffrir. Mais l’on manque aussi, en voulant se dérober à des souffrances inévitables, le lien essentiel qui unit le courage d’affronter la douleur à l’événement de la joie — à la seule possibilité d’un rapport au monde entièrement vivant.
(C.T.)

2009-12-19

anti(quitter la) philosophie moderne

... les textes de la philosophie antique ont toujours un rapport avec l'oralité, avec le style oral. Par exemple, les dialogues de platon étaient destinées à être présentés dans des lectures publiques. (...) toutes les oeuvres littéraires de l'Antiquité avaient un rapport avec l'oralité (...). Il en résulte que les textes philosophiques de l'antiquité étaient destinées toujours à un public restreint : à la différence du livre moderne, qui peut être lu dans le monde entier, à n'importe quel moment et par n'importe qui, dans des milliers d'exemplaires, les textes antiques avaient des destinataires bien précis, soit le groupe des élèves, soit un disciple particulier, à qui on écrivait ; et on écrivait toujours aussi dans des circonstances particulières, précises : soit que l'on mette par écrit les leçons qu'on avait données, soit que l'on écrive à un correspondant qui avait posé une question. Et précisément, ce qui caractérise aussi la grande majorité des écrits philosophiques de l'Antiquité, c'est qu'ils correspondent à un jeu de questions et de réponses, parce que l'enseignement de la philosophie, pendant presque trois siècles, c'est-à-dire depuis socrate jusqu'au premier siècle av. J.-C., s'est presque toujours présenté selon le schéma question-réponse. (...)

[Donc] la pensée qui est exposée dans l'écrit ne se développe pas pour exposer une système total de la réalité. Ce système total de la réalité, il existe probablement dans l'esprit de platon, ou d'aristote, ou d'épicure, ou de chrysippe, mais il est seulement supposé dans la réponse aux questions, ou dans le genre de questions qui est posé. L'écrit lui-même ne consiste pas à exposer d'une manière systématique. S'ajoute à cela que, à cause de cette situation des écrits, qui sont toujours étroitement liés à l'enseignement, les questions ou les réponses sont données en fonction des besoins des auditeurs : le maître, qui écrit, ou dont on écrit les paroles, connaît ses disciples, il sait, par les discussions précédentes, ce qu'ils savent, ce qu'ils ne savent pas ; il connaît aussi leur état moral, les problèmes qui se posent à eux ; ils parlent aussi souvent en fonction de cette situation particulière. On est toujours en présence d'un écrit qui est plus ou moins un écrit de circonstance, et non pas un exposé de portée absolument universelle (...), mais au contraire très particularisée. (...)

Dans l'antiquité, la philosophie est donc essentiellement dialogue, plutôt relation vivante entre des personnes, que rapport abstrait à des idées. Elle vise à former, plutôt qu'à informer... (...)

Les consolations et les correspondances sont des genres littéraires dans lesquels le philosophe exhorte ses disciples ou ses amis dans des circonstances précises, (...) ce sont finalement d'autres formes de dialogue. Ces formes littéraires — dialogue, consolations, correspondance — ont continué à exister au Moyen Âge, à la Renaissance et encore au XVIIe siècle, mais précisément sous forme littéraire, sans que l'enseignement de la philosophie ait lui-même une forme dialogique. (...) Les Lettres de descartes à la princesse elisabeth de palatinat prennent parfois l'allure de lettres de direction spirituelle, dignes de l'Antiquité. Je crois que les traités systématiques, écrits avec l'intention de proposer un système pour lui-même, sont à dater des XVIIe et XVIIIe siècles (descartes, leibniz, wolff). Les genres littéraires antiques disparaissent alors de plus en plus. (...)

Tout d'abord, il y a (...) la perte, partielle d'ailleurs, mais bien réelle, de la conception de la philosophie comme mode de vie, comme choix de vie, aussi comme thérapeutique. On a perdu l'aspect personnelle et communautaire de la philosophie. En outre, la philosophie s'est de plus en plus enfoncée dans cette voie purement formelle, dans la recherche, à tout prix, de la nouveauté pour elle-même : il s'agit pour le philosophe d'être le plus original, sinon en créant un système nouveau, mais tout au moins en produisant un discours qui, pour être original, se veut très compliqué. La construction plus ou moins habile d'un édifice conceptuel va devenir une fin en soi. La philosophie s'est éloignée de plus en plus de la vie concrète des hommes.
Il faut reconnaître d'ailleurs que cette évolution s'explique par des facteurs historiques et institutionnels. Dans la perspective étroite des Universités, comme il s'agit de préparer les élèves à l'étude d'un programme scolaire qui leur permettra d'obtenir un diplôme de fonctionnaire et leur ouvrira une carrière, le rapport personnel et communautaire doit nécessairement disparaître, pour faire place à un enseignement qui s'adresse à tous (...)

J'ai toujours été frappé du fait que les historiens [qui comprenaient ces oeuvres antiques « en fonction de leur propre idéal du genre littéraire philosophique », à savoir « un traité systématique moderne »] disaient : « aristote est incohérent », « saint augustin compose mal ». [Or] les oeuvres philosophiques de l'Antiquité n'étaient pas composées pour exposer un système, mais pour produire un effet de formation : le philosophe voulait faire travailler les esprits de ses lecteurs ou auditeurs, pour qu'ils se mettent dans une certaine disposition. (...)
depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, il y a eu des auteurs qui ont essayé de renouveler, dans leurs écrits, des genres littéraires antiques. On peut énumérer par exemple les Essais de montaigne, qui rappellent tout à fait le genre des traités dé plutarque, les Médiations de descartes, qui sont des exercices spirituels prenant en compte le temps qu'il faudra au lecteur pour arriver à changer sa mentalité et à transformer sa manière de voir, les Exercices de Shaftesbury, inspirés par marc aurèle et épictète, les aphorismes de schopenhauer, de nietzsche, ou du Tractatus de wittgenstein.

En un certain sens, on pourrait dire qu'il y a toujours eu deux conceptions opposées de la philosophie, l'une mettant l'accent sur le pôle du discours, l'autre sur le pôle du choix de vie. Dans l'Antiquité déjà sophistes et philosophes s'affrontaient. Les premiers cherchaient à briller par les subtilités de la dialectique ou la magie des mots, les seconds demandaient à leurs disciples un engagement concret dans un certain mode de vie. Cette situation s'est finalement perpétuée, parfois avec la prédominance à certaines époques de l'une ou l'autre tendance. Je crois que les philosophes n'arriveront jamais à se débarrasser de l'autosatisfaction qu'ils éprouvent dans le « plaisir de parler ». Quoi qu'il en soit, pour rester fidèle à l'inspiration profonde — socratique, pourrait-on dire — de la philosophie, il faudrait proposer une nouvelle éthique du discours philosophique, grâce à laquelle il renoncerait à se prendre lui-même comme fin en soi, ou, pis encore, comme moyen de faire étalage de l'éloquence du philosophe, mais deviendrait une moyen de se dépasser soi-même et d'accéder au plan de la raison universelle et de l'ouverture aux autres.
(P.H.)

cf. les espèces de « philosophes », et : le philosophe
cf. qu'est-ce qu'un philosophe
cf. l'éthique philosophique
cf. autophilosophe

2009-12-16

devenir-deleuzien

Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien ... une fulguration s’est produite qui portera le nom de Deleuze : une nouvelle pensée est possible ; la pensée, de nouveau, est possible. Elle n’est pas à venir, promise par le plus lointain des recommencements. Elle est là, dans les textes de Deleuze, bondissante, dansante devant nous, parmi nous...
(M.F.)
... « la boîte à outils » inespérément postmoderne qu'il [deleuze] propose... C'est réjouissant, c'est « prodigieux », comme il dirait lui-même, de bergson et d'autres. (...) Quelques bémols, néanmoins, notamment un côté « gemütlich »** mais subtil, éthique, spinoziste, dirons-nous (et que je reproche d'ailleurs au spinozisme en général) (...) Le truc aussi qui me rétiçait, d'abord... je l'exprimais dans une réponse à [adèle], hier :
« Moi ? j'écoute deleuze, et deleuze.
En plus des travaux qui m'occupent.
Ah, il est fort. Son influence sur les jeunes in-tellos et les artistes branchés est telle que j'aimerais peut-être ne pas lui accorder autant de poids, mais... il faut avouer qu'il le mérite quelque peu, et mieux, en fait. Il place la barre extrêmement haut. À tel point qu'il se rend, c'est vrai, assez incontournable. C'est bien, il a gagné. (Bon, bien sûr, j'ai des critiques, mais pour l'instant je les laisse de côté, pour m'alimenter bouche bée à la source... qui le mérite.)
Et sinon : de la musique brute, sauvage. Et toujours cette « ritournelle » (tiens, un concept de deleuze) de Julian Casablancas, Tourist. Que j'écoute plusieurs fois par jour pour sa seule première minute, parfaite, et pas toujours au delà ; la première minute.
In Rainbows [de radiohead] ? J'ai réécouté récemment, tiens. Coïncidence encore. Ça tient toujours, oui, c'est clair. Là aussi il faut reconnaître que... malgré... eh bien, oui... il faut reconnaître. »
(...)

[Je comprends d'autant mieux ton rapport circonspect sinon réticent à deleuze que] j'ai eu le même. Mais parce qu'il avait pas trouvé ma porte, d'entrée, ma « portée ». J'avais essayé des livres à lui (pourparlers, quand même, m'avait légèrement capté), un livre sur lui, plutôt indigeste ; même l'abécédaire (sur arte), séduisant, n'emportant pas l'affaire. Il y avait trop d'écart entre la parole de l'abécédaire et le style (de pensée) de ses livres. Et puis, propre chemin faisant (...), je me suis récemment senti plus près et donc plus prêt... notamment grâce à ses cours (audio) et vlan! je commande et vlan qu'il m'arrive le livre « Dialogues » (deleuze-parnet).
(...)
En gros, peut-être et a priori, il invite à une existence moins personnelle, en un sens, et moins morale, et en suggère les moyens, les images, les concepts, les impulsions... Ce qui est considérable. L'antidote peut-être le plus puissant à la névrose.
(o.K.)

[Dialogues, oui,] mais peut-être plus facile et accessible, en introduction : les cours audio ; en particulier (pour toi) sur spinoza. (...)
Il y évoque d'ailleurs à plusieurs reprises, évidemment, le couple et pourquoi ça marche ou ça marche pas (vraiment). Toujours cette histoire de compositions de rapports plus ou moins bonnes, générant augmentation ou diminution de la puissance (d'être), ressentie sous forme de joie ou de tristesse, tristesse allant parfois jusqu'à la maladie, par « empoisonnement » (...), et ce, disons, par « défaut » de discernement rationnel requis à la progressive et relative com-préhension de ce qui est plus ou moins bon pour « moi ».
(...)
Bref. Quant à spinoza et deleuze, mollo mollo quand même, ça peut faire des dégâts... sains. Des éclats de santé, en fait, mais possiblement tranchants. (...) Et d'ailleurs je me doute bien que [encore une fois] tu prendras pas le temps. Alors même qu'en général, s'il y a un bien un truc qu'il faudrait prendre, dans la vie qui nous occupe (à gérer comme une oeuvre d'art — autrement dit, de santé —), c'est bien ça : le temps. Commencer par se le réapproprier. Mais bon... On n'en serait pas aux premiers dégâts humains, dans le destin du monde. La vie travaille à perte !
On en est tous...
(...)
[Encore trop jeune pour être heureux! dis-tu ?] Ha ! Mais je suppose que tu auras observé les vieux partout autour de toi, et leur bonheur éclatant ? Des vieux non-deleuzo-spinozistes, il faut croire. Et ils sont légion. Alors (qu') il ne tient qu'à toi de faire qu'elle te reste ou devienne de plus en plus étrangère — cette légion. Au plus vite, non ? Ou à ton rythme, oui. (Réappropriation du temps.)
Mais j'ai l'optimisme de croire, du moins d'espérer sinon tendre, à un siècle « deleuzien », oui... (pimenté d'un zeste nietzschéen de plus, peut-être.)
(o.K.)


** J'entends pas « gemütlich », ottoconcept emprunté à l'allemand, car n'ayant pas, semble-t-il, d'équivalent français, une certaine complaisance au et dans le confort. En français, le plus proche que j'ai trouvé pour l'instant est : « cosy », à condition d'en élargir le sens à ce qu'on pourrait appeler aussi bien un certain « esprit de confort » (pour le confort).

2009-12-13

devenir-jigsaw falling...

Un seul et même devenir, un seul bloc de devenir, ou, comme dit R.C., une « évolution a-parallèle de deux êtres qui n'ont absolument rien à voir l'un avec l'autre », (...) les deux formant un seul devenir, un seul bloc, une évolution a-parallèle, pas du tout un échange, mais « une confidence sans interlocuteur possible » (...) — bref, un entretien. (...) ce n'est pas un terme qui devient l'autre, mais chacun rencontre l'autre, un seul devenir qui n'est pas commun au deux, puisqu'ils n'ont rien à voir l'un avec l'autre, mais qui est entre les deux, qui a sa propre direction, un bloc de devenir, une évolution a-parallèle. C'est cela la double capture (...), même pas quelque chose qui serait dans l'un, ou quelque chose qui serait dans l'autre, même si ça devait s'échanger, se mélanger, mais quelque chose qui est entre les deux, hors les deux, et qui coule dans une autre direction. (...) ce qu'il y a de bien dans une [«] bande [»], en principe, c'est que chacun y mène sa propre affaire tout en rencontrant les autres, chacun ramène son butin, et qu'un devenir s'esquisse, un bloc se met en mouvement, qui n'est plus à personne, mais « entre » tout le monde, comme un petit bateau que des enfants lâchent et perdent, et que d'autres volent. (...) [Ils ont fait] l'usage le plus riche de leur solitude, s'en servir comme d'un moyen de rencontre, faire filer une ligne ou un bloc entre deux personnes, produire tous les phénomènes de double capture, montrer ce qu'est la conjonction ET, ni une réunion, ni une juxtaposition, mais la naissance d'un bégaiement, le tracé d'une ligne brisée qui part toujours en adjacence, une sorte de ligne active et créatrice? ET... ET... ET...
(G.D.)


cf. se déc(o)upler
cf. vaginalisme ® (équation)

2009-12-09

par la dissonance cognitive

Selon cette théorie, l'individu en présence de cognitions (« connaissances, opinions ou croyances sur l’environnement, sur soi ou sur son propre comportement » ) incompatibles entre elles, éprouve un état de tension désagréable : c'est l'état de « dissonance cognitive ». Dès lors, cet individu mettra en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif. Ces stratégies sont appelées « modes de réduction de la dissonance cognitive ». Une de ces stratégies pour réduire la dissonance cognitive consiste à oublier ce qui ne cadre pas avec ses références antérieures, il est appelé « processus de rationalisation ». En 2007 il a été mis en évidence chez des singes capucins.

La rectification d'idées acquises est plus pénible pour un individu que l'apprentissage d'idées nouvelles pour lesquelles il ne possède pas encore de modèle. Ce phénomène avait déjà été signalé par Jean Piaget dans ses travaux. Carl Rogers l'admettait également. Les exemples abondent dans l'histoire : Héliocentrisme vs. Géocentrisme, Darwinisme vs. Créationnisme, etc. Il est à remarquer que religions et systèmes totalitaires (sans qu'il soit question ici de les comparer directement) marquent une préférence pour enseigner leurs points de vue dès la prime jeunesse, en tant que modèle primal.

De même, des fournisseurs de matériels divers consentent des réductions importantes aux écoles professionnelles car leurs élèves seront enclins à privilégier dans la vie professionnelle un matériel qu'ils connaissent déjà par rapport à un autre même moins cher ou plus riche en fonctionnalités.
Des formations gratuites sont parfois même proposées par des éditeurs de logiciels ou des fabricants de matériel, afin de positionner leur approche dans l'esprit du client qui sera ainsi moins réceptif aux arguments, différents, de la concurrence.

Plus l'investissement et l'engagement de la personne lui ont coûté, moins elle est prête à y renoncer. C'est ainsi que :
[Unetelle s'accroche à sa relation laborieuse et inlassablement conflictuelle avec untel, car cela reviendrait, sinon, à en avoir tellement bavé jusqu'ici... pour un échec.]
Plus un apprentissage a été difficile, malaisé ou même humiliant, moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné. Cela signifierait en effet qu'il a investi pour rien. (Là encore, les exemples sont légion, surtout en informatique : attachement presque affectif à un système d'exploitation ou à un éditeur de texte, par exemple, en dépit de leurs défauts manifestes.)
Le bizutage, à l'époque où il était toléré, s'associait par la suite à un attachement à une institution tel, que dès l'année suivante le bizuté devenait bizuteur à son tour.
On observe aussi lors d'enquêtes que plus un choix s'est montré difficile et engagé (d'une grande école, d'un appartement, voire d'un conjoint [comme on l'a déjà dit dans le cas d'unetelle & untel...], plus on avait tendance ensuite à estimer avoir effectué le bon, et donc à oublier certains éléments de l'environnement ayant peu de rapport avec ce choix. (Le choix d'une grande école peut impliquer certaines positions philosophiques qui entraînent ce type de biais cognitif. Par exemple, une formation scientifique peut dans certains cas faire sous-estimer les phénomènes culturels ou les aspects juridiques.)
Les mécanismes des ventes pyramidales s'appuient fortement sur le refus irrationnel de faire marche arrière alors qu'on s'est sûrement fourvoyé.
[Vulgairement, c'est le] doigt dans l'engrenage.
(...)
Des faits contredisant l'opinion qu'un enfant [ou autre] a sur lui-même le placent devant une dissonance cognitive : selon que l'enfant [ou autre] a une bonne ou mauvaise image de soi, il pourra attribuer un échec ou une réussite à l'environnement extérieur au lieu de s'attribuer à lui-même le résultat. Pour réduire la dissonance cognitive, l'enfant [ou autre] va ainsi chercher des excuses plutôt que de remettre en cause ses convictions.
[Ce qui peut être aussi nommée] mauvaise foi.

[w.](merci à serge de lepostier.fr)

cf. d'mauvaise foi
cf. une mauvaise foi(s) (pour toutes)

2009-12-07

cosmologie moderne

Son livre le plus célèbre demeure Du monde Clos à l'Univers infini (...) Dans ce livre il décrit l'apparition de la science moderne et le changement qui s'est produit dans la perception du monde durant la période qui va de Nicolas de Cues et Nicolas Copernic à Isaac Newton. À un tout fini où la structure spatiale reflète une hiérarchie de valeur succède un univers infini sans hiérarchie naturelle uni seulement par l’identité des lois qui le régissent. « Pour ma part, écrit-il, j'ai essayé, dans mes Etudes Galiléennes, de définir les schémas structurels de l'ancienne et de la nouvelle conception du monde et de décrire les changements produits par la révolution du XVII° siècle. Ceux-ci me semblent pouvoir être ramenés à deux éléments principaux, d'ailleurs étroitement liés entre eux, à savoir la construction du Cosmos, et la géométrisation de l'espace, c'est-à-dire : a)la construction du monde conçu comme un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie de valeur et de perfection, monde dans lequel "au-dessus" de la Terre lourde et opaque, centre de la région sublunaire du changement et de la corruption, s'"élevaient" les sphères célestes des astres impondérables, incorruptible et lumineux ...b)le remplacement de la conception aristotélicienne de l'espace, ensemble différencié de lieux intramondains, par celle de l'espace de la géométrie euclidienne - extension homogène et nécessairement infinie - désormais considéré comme identique, en sa structure, avec l'espace réel de l'Univers. Ce qui à son tour impliqua le rejet par la pensée scientifique de toutes considérations basées sur les notions de valeur, de perfection, de sens ou de fin, et finalement, la dévalorisation complète de l'Être, le divorce total entre le monde des valeurs et le monde des faits. »

> chapitre :
cosmo-logique

2009-12-06

l'astrologie à la petite semaine

... la semaine astrologique d'un hebdomadaire comme Elle, par exemple. Contrairement à ce que l'on pourrait en attendre, on n'y trouve nul monde onirique, mais plutôt une description étroitement réaliste d'un milieu social précis, celui des lectrices du journal. Autrement dit, l'astrologie n'est nullement — du moins ici — ouverture au rêve, elle est pur miroir, pure institution de la réalité.
Les rubriques principales du destin (Chance, Au-dehors, Chez vous, Votre coeur) produisent scrupuleusement le rythme total de la vie laborieuse. L'unité en est la semaine, dans laquelle la « chance » désigne un jour ou deux. La « chance », c'est ici la part réservée de l'intériorité, de l'humeur ; elle est le signe vécu de la durée, la seule catégorie par laquelle le temps subjectif s'exprime et se libère. Pour le reste, les astres ne connaissent rien d'autre qu'un emploi du temps : Au-dehors, c'est l'horaire professionnel, les six jours de la semaine, les sept heures par jour de bureau ou de magasin. Chez vous, c'est le repas du soir, le bout de soirée avant de se coucher. Votre coeur, c'est le rendez-vous à la sortie du travail ou l'aventure du dimanche. Mais entre ces « domaines », aucune communication : rien qui, d'un horaire à l'autre puisse suggérer l'idée d'une aliénation totale ; les prisons sont contiguës, elles se relaient mais ne se contaminent pas. Les astres ne postulent jamais un renversement de l'ordre, ils influencent à la petite semaine, respectueux du statut social et des horaires patronaux.
Ici, le « travail » est celui d'employées, de dactylos ou de vendeuses ; le microgroupe qui entoure la lectrice est à peu près fatalement celui du bureau ou du magasin. Les variations imposées, ou plutôt proposées par les astres (car cette astrologie est théologienne prudente, elle n’exclut pas le libre arbitre) sont faibles, elles ne tendent jamais à bouleverser une vie : le poids du destin s'exerce uniquement sur le goût au travail, l'énervement ou l'aisance, l'assiduité ou le relâchement, les petits déplacements, les vagues promotions, les rapports d'aigreur ou de complicité avec les collègues et surtout la fatigue, les astres prescrivant avec beaucoup d'insistance et de sagesse de dormir plus, toujours plus.
Le foyer, lui, est dominé par les problèmes d'humeur, d'hostilité ou de confiance du milieu ; il s'agit bien souvent d'un foyer de femmes, où les rapports les plus importants sont ceux de la mère et de la fille. La maison petite-bourgeoise est ici fidèlement présente, avec les visites de la « famille », distincte d'ailleurs des « parents par alliance », que les étoiles ne paraissent pas tenir en très haute estime... Cet entourage semble à peu près exclusivement familial, il y a peu d'allusions aux amis, le monde petit-bourgeois est essentiellement constitué de parents et de collègues, il ne comporte pas de véritables crises relationnelles, seulement de petits affrontements d'humeur et de vanité. L'amour, c'est celui du Courrier du coeur ; c'est un « domaine » bien à part , celui des « affaires » sentimentales. Mais tout comme la transaction commerciale, l'amour connaît ici des « débuts prometteurs », des « mécomptes » et de « mauvais choix ». Le malheur y est de faible amplitude : telle semaine, un cortège d'admirateurs moins nombreux, une indiscrétion, une jalousie sans fondement. Le ciel sentimental ne s'ouvre vraiment grand que devant la « solution tant souhaitée », le mariage : encore faut-il qu'il soit « assorti ».
Un seul trait idéalise tout ce petit monde astral, (...) l'humanité astrologique roule sur son salaire mensuel : il est ce qu'il est, on n'en parle jamais, puisqu'il permet la « vie ». Vie que les astres décrivent beaucoup plus qu'ils ne la prédisent ; l'avenir est rarement risqué, et la prédiction toujours neutralisée par le balancement des possibles : s'il y a des échecs, ils seront peu importants, s'il y a des visages rembrunis, votre belle humeur les déridera, des relations ennuyeuses, elles seront utiles, etc. ; et si votre état général doit s'améliorer, ce sera à la suite d'un traitement que vous aurez suivi, ou peut-être aussi grâce à l'absence de tout traitement (...).

Les astres sont moraux, ils acceptent de se laisser fléchir par la vertu: le courage, la patience, la bonne humeur, le contrôle de soi sont toujours requis face aux mécomptes timidement annoncés. Et le paradoxe, c’est que cet univers du (...) déterminisme est tout de suite dompté par la liberté du caractère : l’astrologie est avant tout une école de volonté. Pourtant, même si les issues en sont de (...) mystification, même si les problèmes de conduite y sont escamotés, elle reste institution du réel devant la conscience de ses lectrices : elle n’est pas voie d'évasion mais évidence réaliste des conditions de vie de l’employée, de la vendeuse.
À quoi donc peut-elle servir, cette pure description, puisqu’elle ne semble comporter aucune compensation onirique ? Elle sert à exorciser le réel en le nommant. A ce titre, elle prend place parmi toutes les entreprises de semi-aliénation (ou de semi-libération) qui se donnent à tâche d’objectiver le réel, sans pourtant aller jusqu’à le démystifier. On connaît bien au moins une autre de ces tentatives nominalistes : la Littérature, qui, dans ses formes dégradées, ne peut aller plus loin que nommer le vécu ; astrologie et Littérature ont la même tâche d’institution " retardée " du réel: l’astrologie est la Littérature du monde petit-bourgeois.
(R.B.)

cf. l'aliénation bonus « psy »

l'aliénation bonus « psy »


(N.P.)(o.K.) :: 2'34''::

cf. l'astrologie à la petite semaine

2009-12-05

au fond, aristote, c'est moi

Aristote est un esprit réaliste et pratique. Il s'oppose à la plupart des idées de Platon. Sa méthode serait plutôt de type scientifique...
(...) Pour Aristote [comme pour Platon], la morale est subordonné au politique.
(...) il désigne, pour sa morale, le point de départ suivant : tous les hommes recherchent le bonheur. Par contre, même si tous les hommes sont d'accord sur cet énoncé, la plupart ne s'accorde pas sur la conception du bonheur. (...)
Ainsi, chacun donne au bonheur un contenu différent. Aristote en conclut qu'il ne faut pas prendre en considération ce que les hommes recherchent pour comprendre ce qu'est le bonheur, mais rechercher les conditions objectives du bonheur. En d'autres mots, cette opération consiste à savoir ce que les hommes doivent vraiment rechercher pour réaliser le vrai bonheur. Le bonheur est le chemin qui mène au bonheur. Ce chemin pour Aristote consiste en l'exercice de la vertu. C'est un exercice guidé par la volonté.
(...) Le bonheur est le chemin lui-même et non pas le point d'arrivée.
(...) c'est grâce à la vie intellectuelle qu'il peut délibérer et faire des choix moraux.
(...) Ainsi, l'homme obtient son bonheur en pratiquant la vertu. Pour Aristote, la vertu est une habitude volontaire. [Selon lui], les êtres humains sont disposés à la vertu, mais ils doivent la pratiquer pour la perfectionner. C'est à force de pratiquer la justice, la tempérance et le courage que nous devenons justes, tempérants et courageux.
(...) Il défendra principalement la vertu du juste milieu.
Par exemple, le courage serait le juste milieu entre la peur et la témérité ; la tempérance entre le dérèglement et l'insensibilité ; la mansuétude (...) entre la colère et l'apathie ; la magnanimité entre la vanité et l'humilité ; la véracité entre la vantardise et la dépréciation de soi ; l'affabilité (...) entre l'obséquiosité et l'esprit de chicane ; la réserve entre l'effronterie et la timidité, etc.
(-)

« du même désert, à... »

En chacun de nous, il y a comme une ascèse, une partie dirigée contre nous-mêmes. Nous sommes des déserts, mais peuplés de tribus, de faunes et de flores. (...) Et toutes ces peuplades, toutes ces foules, n'empêchent pas le désert, qui est notre ascèse même, au contraire elles l'habitent, elles passent par lui, sur lui. (...) Le désert, l'expérimentation sur soi-même, est notre seule identité, notre chance unique pour toutes les combinaisons qui nous habitent.
(G.D.)

cf. vrai(ment) moi

envolée

Toute action exige l'oubli, comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore d'obscurité. Un homme qui voudrait sentir d'une façon tout à fait historique ressemblerait à celui qui serait forcé de se priver de sommeil, ou bien à l'animal qui devrait continuer à vivre en ne faisant que ruminer, et ruminer toujours à nouveau. (...) il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation.
(F.N. — CI 2§1)

cf. règle hoptique
cf. le... : action

2009-12-03

con sidération

la forme (...) de mes [«] écrits [»] présente une difficulté : de nos jours on n’accorde pas suffisamment de poids à cette forme. Un aphorisme, si bien frappé soit-il, n’est pas « déchiffré » du seul fait qu’on le lit ; c’est alors que doit commencer son interprétation, ce qui demande un art de l’interprétation. (...) Evidemment pour pouvoir pratiquer la lecture comme un art, une chose avant tout autre est nécessaire, que l’on a parfaitement oubliée de nos jours — il se passera donc encore du temps avant que mes écrits soient « lisibles » —, une chose qui nous demanderait presque d’être de la race bovine et certainement pas un « homme moderne », je veux dire : savoir ruminer…
(F.N. — GM 0§8)

cf. sur/de mes postréalisations
cf. mévoir ou mémoire
cf.  à l'intellecteur parfait
cf. l'ascésure