N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2011-01-27

d'un songe à l'autre, à l'autre... ?

Et si la mort n'était que pareille au jour après la nuit, n'était, comme l'éveil, que la sortie d'une réalité de cauchemar(s) à laquelle le dormeur se sera pourtant passionné, vaguement parfois, ou mollement, ou le contraire, avant de recouvrer assez ses esprits, en soi tout aussi délirants mais auxquels sa nature le porte bizarrement à donner plus de crédit — ou prêter ? Jusqu'à la prochaine sortie ?
(O.K.)

Je plaisante ? Mais non, pas du tout. Lila, à ce moment-là, me soupçonne de croire à l'énorme blague de la résurrection finale des corps. Des corps en général, je n'en ai pas la moindre idée, et d'ailleurs cette perspective d'ensemble, avec jugement à la clé me semble peu ragoûtante, mais du mien, après tout, pourquoi pas ? Ça l'ennuie d'avoir à mourir, mon corps, il ne se sent pas fait pour ça, mais il paraît que c'est une loi évidente et incontournable, ce dont je doute sourdement, et lui aussi. Pas même besoin d'un dieu pour ça, je ne conçois pas le destin de cette manière, c'est drôle.
   
     Le plus curieux, dans les jours suivants, c'est l'insistance de Lila à revenir sur ce sujet impossible. Elle en reparle plusieurs fois, elle tourne autour, elle veut que je me prononce nettement contre cette folie. Ça la tourmente, ça l'obsède, et, bien entendu, je botte en touche, je la boucle, j'évite toute discussion (de quoi discuter, au fait ?), je change de conversation ou bien je joue l'indifférence, je me range sans problème du côté de la raison, de la science, des preuves massives de l'Histoire, de ce qu'on voudra. Je redouble même de modestie, d'humilité, de résignation, d'humanisme (...). Oui, il y a du nous ! Pauvres mortels ! Pauvres de nous ! Millénaires ! Squelettes ! Cendres ! Il fallait naître, chers frères et soeurs, il faut donc mourir. Et mourir à jamais, hein, pas de fables. Place aux suivants, en avant.
(P.S.)

cf. si la mort n'avait rien à voir, circulez

2011-01-22

d'accorps ou pas

    Merci au corps d'être là, en tout cas, silencieux, à l'oeuvre. Il me dit que c'est lui, rien d'autre, qui a toujours pris les décisions, choisi les orientations, les situations. Les maladies, les douleurs ? C'est lui. Les dépressions, les crises, les pertes, les oublis ? Lui encore. Les détentes, les joies, les plaisirs ? Toujours lui. Je ne suis pas à toi, dit mon corps, mais à moi. Comment as-tu pu me faire ça ? Et ça ? Et puis ça ?
    Il me parle sèchement, mon corps. Ta main, insiste-t-il, est la mienne. Si tu respires à fond, tu me trouveras tout au fond. Tu ne contrôles quand même pas tes poumons, ton coeur, ta circulation, tes os, tes cellules ? Laisse-moi faire comme j'ai toujours fait, ne me trouble pas, ne me gêne pas.
    Nous ne sommes pas toujours d'accord, mon corps et moi, exemple l'histoire Lila autrefois. D'emblée, je ne l'aime pas, il l'aime. Je la trouve fermée, butée, coincée dans son ennuyeux roman familial-social, mais lui, mon corps, bande pour elle. Elle m'assomme au bout de dix minutes, elle me vole du temps, alors que lui peut l'écouter pendant deux heures, les yeux dans les yeux, en admirant son cou, ses épaules, ses gestes, sa voix. Je suis plutôt raffiné, mon corps est vulgaire. Elle me casse les oreilles, il adore ses répétitions. Je la trouve jolie, sans plus, mais pour lui c'est une beauté d'enfer. Il va la baiser une fois de plus, c'est sûr. Je le suis, mon corps, tout en regardant discrètement ma montre, trois quarts d'heure pour une séance, ça ira comme ça. Une fois qu'il a joui, mon corps s'éclipse, et me laisse seul avec le bavardage de Lila, les soucis de Lila, les intrigues de Lila, les jalousies de Lila, la mauvaise humeur de Lila.
    J'ai envie de m'amuser, mon corps me freine. Je veux écrire, il veut sortir. Une femme m'attire, mon corps murmure « à quoi bon ? », et il n'a pas tort, on connaît le disque, appartement, enfant, argent, triste salade. C'est amusant un moment, mais c'est crevant.

    Comme, une fois de plus, je suis merveilleusement seul et qu'une grande étrangeté me gouverne, je vais faire une tour dans le jardin d'à côté. (…)

    (…) Mon cerveau a son propre orchestre, il improvise, il compose, il enchaîne, il va dans tous les sens, et c'est souvent le bordel. Il a tendance à n'en faire qu'à sa tête, mais moi, j'ai besoin de ma tête. Je la récupère, c'est entendu, mais parfois de justesse, avec sa lumière qui ne faiblit pas. Lumière cardiaque, on dirait, lumière de tout le corps à la fois. Ici, mon corps proteste : il ne veut pas être englobé, compris, analysé, défini, réengendré dans une autre forme. Il tient à son mouvement incompréhensible, l'animal.

    Je regarde les passants : aucun doute, ils se croient eux-mêmes, mais eux aussi sont incompréhensibles. L'étonnant est qu'ils se prennent tous pour des corps, ou plutôt pour de simples images. Mon corps, lui, est malin : il sait qu'il n'est pas une image, il a du mérite dans cette époque terminale de projection. Cela dit, il veut rester maître à bord, être lavé, nourri, soigné, habillé, reconnu, flatté, désiré, caressé, aimé. Il aime parler, et tente, sans arrêt, de parler à ma place. Il a ses souvenirs dont je préférerais parfois me passer.
(P.S.)

Dans le fond, tout se réduit à une question de physiologie. (…) Nous dépendons du corps ; il est un destin, une fatalité mesquine et lamentable à laquelle nous sommes soumis. Le corps est tout, et il n'est rien : un mystère quasi dégradant. Mais le corps est aussi une puissance fabuleuse. Même si l'on ne peut plus oublier la dépendance qu'il engendre, dès lors que l'on en est devenu conscient. (…) Mes idées m'ont toujours été dictées par mes organes, lesquels, à leur tour, sont soumis à la dictature du climat. (…) Nietzsche a très bien perçu ce conditionnement du climat.
(C.)


cf. CHAPITRE : physio-logique

cf. anthropastro-nomie
cf. les grandes raisons (se rencontrent)
cf. la liberté ta soeur
cf. (pré)jugé libre
cf. corpsolution

...

2011-01-20

(im)posture sexuelle

Il m'est arrivé de me dire que l'on peut avoir une vision postsexuelle du monde, vision qui serait la plus désespérée possible : le sentiment d'avoir tout investi en quelque chose qui n'en valait pas la peine. L'extraordinaire, c'est qu'il s'agit d'un infini reversible. La sexualité est une immense imposture, un mensonge gigantesque qui invariablement se renouvelle. Sans doute, le moment présexuel triomphe du postsexuel : c'est l'infini inépuisable dont parle Céline. Et le désir est cet absolu momentané impossible à éradiquer.
(C.)

2011-01-19

les trous noirs pour un temps

Nos ancêtres imaginaient la face cachée de la lune, s'angoissaient de ce qu'il pouvait y avoir après l'horizon de la terre, plate, le vide sans doute, la chute. À notre tour on s'effraie aujourd'hui de ce qu'on appelle des « trous noirs ». Chacun ses vertiges, ses tr                , en son temps.
(o.k.)

Des scientifiques ont découvert le plus grand trou noir jamais observé. Il pourrait littéralement avaler notre système solaire tant il est important. Il, c'est M87, un trou noir gigantesque... qui possède la masse de 6,8 milliards de Soleils. Une telle masse implique un champ gravitationnel si important que rien ne peut lui échapper, lumière comprise. (...) "Les futures observations de cet objet vont peut-être nous aider à prouver que ce que nous appelons des trous noirs sont vraiment des trous noirs". Avant qu'ils ne nous avalent ?
(Maxiscience)

2011-01-18

saphir mais...

Et, oui, voilà, « suffit de s'imposer », comme tu dis, ou disons : s'affirmer. Doucement mais fermement. Avec force. Non pas violence, mais force. Toujours le même problème. Savoir s'affirmer, en douceur, compréhensif, mais ferme. Voilà. Et si l'autre en montre les dents, découvrir aussi les siennes, gentiment. Modèle : [la chienne] Lunte.
(o.k.)

cf. diAMANT

2011-01-16

marin

Marin marin
Tiens bien la barre
Le vent est fort
La nuit est noire
La mer t'emporte
Suis les étoiles
Marin marin
Déplie les voiles
(S.S.)



cf. à pied marin

2011-01-15

anthropastro-nomie

Professeur d'astronomie dans l'une des universités de Minneapolis, il affirme qu'il n'existe aucun rapport entre les constellations et les traits de caractère (ce qui n'est pas surprenant, les astronomes n'ayant jamais eu une très bonne opinion de l'astrologie) :
« Bien sûr qu'on peut faire un lien entre les récoltes aux étoiles. Mais la personnalité ? Non. »

Des effets sur l'agriculture mais pas sur les personnalités ? Encore un con qui se prend pour tellement plus qu'une plante, au-dessus du lot des autres espèces vivantes, comme relevant d'une autre nature au fond nettement plus indépendante. Mais bien sûr ! les Hommes sont suffisamment dégagés de tout ça, des jeux de forces en présence — magnétique(s). À part l'indéniable force d'attraction de leur seule petite planète qui les cloue au sol pour des raisons pratiques, rien d'autre ! Bref : pff !...
(O.K.)

Ulf Büntgen de l’institut fédéral suisse de la recherche sur la forêt, la neige et le paysage a dirigé une étude portant sur l’implication des variations climatiques sur l’évolution et le déclin des civilisations à travers les âges. Grâce à l’étude de trois facteurs, lui et ses collègues ont réussi à retracer les climats, les températures et les précipitations des 2500 dernières années.
C’est en se basant sur 7.284 échantillons de chênes que l’équipe de chercheurs a pu évaluer les précipitations et grâce à  1.089 pignes de pin et 457 échantillons de mélèze qu’ils ont pu reconstituer les températures.
Ils ont ainsi pu constater qu’à chaque revirement dans le climat, quand celui-ci passait du froid et sec au chaud et humide par exemple, l’impact sur les civilisations était immédiat. En effet, l’agriculture s’en trouvait gravement perturbée mais cependant pas suffisamment longtemps pour que les populations aient le temps de s’y adapter.
Ainsi, les revirements climatiques correspondent aux bouleversements politiques et aux vagues de migrations humaines. C’est dans ces conditions que l’empire romain a chuté. De même, dans les périodes relativement stables de l’époque médiévale, on constate que le climat était, lui aussi relativement constant. Mais au moment de la peste, la période était humide et l’épidémie a profité de ces conditions pour se répandre.
Les exemples sont innombrables. A l’heure actuelle, notre société est moins perturbée par les changements climatiques parce que le commerce international et les technologies modernes en atténuent les effets comme le rapporte la revue Science.
(Maxiscience)

cf. as a rolling stone
cf. CHAPITRE : physio-logique

2011-01-13

adroit au brut

Je dis ce que je pense, crois et vois. (...) Mes propos ne sont pas maladroits, mais brutaux. Mais la vie, la réalité est brutale.
(E.Z.)

2011-01-10

c'était d'une tristesse



Là c'est l'entrée de la piscine. Je me suis pété un bras sur la R5 du maître-nageur qui sortait. J'avais des beef-steaks sur mon vélo, ils étaient par terre, c'était d'une tristesse !...
(P.K.)

2011-01-07

su ici de sort...

Qui sait souffrir peut tout oser.
(V.)

Sans le suicide la vie serait à mon avis vraiment insupportable. On n'a pas besoin de se tuer. On a besoin de savoir qu'on peut se tuer. Cette idée est exaltante. Elle vous permet de supporter tout. C'est un des plus grands avantages qui soient donnés à l'homme. C'est pas compliqué. Je ne suis pas pour le suicide, je suis uniquement pour l'utilité de cette idée.
(C.)

Malheureusement cette porte de sortie qu'est le suicide n'est pas toujours accessible. Dans certains cas d'enfer-mement (même dans son propre corps). Où la vie relève alors d'un véritable enfer, « sans porte ni fenêtre ». Preuve que la vie, dans le fond...
Bref, au-dessus des nuages le ciel bleu, mais, au fond, le noir infini — du moins jusqu'à nouvel ordre.
(o.K.)

> sui...c...urieux

2011-01-04

au fond, le tintoret, c'est moi


G.C. — Mais ce qui est difficile c'est surtout de faire comprendre au public, qui lui n'a pas été habitué à voir de la peinture de Tintoret, n'a pas été habitué à lire des livres autour de ce peintre, donc de faire comprendre son oeuvre, sans en passer par des grandes généralités. C'est ça le plus dur. (…)
A.V. — Lui-même, selon vous, veut s'imposer comme un grand artiste, aux yeux de tous.
G.C. — Oui. Alors sans tomber dans la psychologie on sent dans les textes qui sont écrits à l'époque qu'il a une ambition assez grande et une ambition polémique. (…) Quelqu'un qui veut en découdre avec les peintres officiels de l'époque et avec la tradition aussi.
A.V. — Et c'est comme ça que vous interprétez le changement d'échelle auquel il soumet ses oeuvres au cours des années 1545-1548, où il juxtapose de très grandes figures avec d'autres figures, beaucoup plus petites.
G.C. — Oui...
(…)
G.C. — Là encore c'est une pratique assez originale, puisqu'il peint vite – ce qui agace ses contemporains, parce qu'en peignant vite il peint beaucoup et il vend moins cher –, et il invente, en fait, une technique toute simple qui est de préparer la toile avec un fond neutre, généralement sombre, qui lui permet de pas peindre la totalité de sa toile. Donc c'est ce qui lui permet d'aller vite, et il récupère aussi, nous dit-on, les pigments qui ont séché, il les gratte sur sa palette, sur le sol de son atelier, il les fait fondre pour les réutiliser dans ce fond préparatoire. Une pratique étonnante...
(…)
A.V. — Il est intéressant de se pencher sur les visages, tels que Tintoret les peint. Parce que rarement il a recours à l'expressivité.
G.C. — Oui. C'est aussi une option qu'il utilise et qui lui permet de se démarquer des autres peintres comme Titien ou Veronèse qui jouent beaucoup sur la théâtralité ou sur l'expressivité dramatique : les figures dans les représentations religieuses notamment pleurent, crient, se tordent de douleur, et chez Tintoret – alors que c'est vraiment la norme ! – il refuse catégoriquement ce type d'expressivité, et il va même nier ça dans les tableaux qui le réclament comme (…) Le massacre des innocents, où aucune mère n'est éplorée. Et c'est la disposition formelle du tableau qui dit ce drame.
(…)
A.V. — La nouveauté de son langage et sa modernité, au sens d'aujourd'hui, tient aussi au fait que la signification de sa peinture ne dépend pas uniquement du contenu, de l'histoire, de l'iconographie mais du fonctionnement même de l'image.
G.C. — Oui. Et c'est sans doute ça qui a posé tant de problèmes à la réception contemporaine de Tintoret, et le fait qu'on se soit pas tellement intéressé à lui puisque les historiens de l'art aiment beaucoup l'iconographie, essayer de comprendre les messages cachés, [etc.], et ils s'intéressent beaucoup moins à la forme, alors que c'est sans doute par la forme qu'on peut percer le travail de Tintoret, et notamment par cette volonté à chaque fois de verticaliser ses toiles il crée un effet physique sur le spectateur…
(…)
A.V. — Le spectateur a donc un rôle a jouer, aussi, c'est pas un spectateur passif.
G.C. — Non, pas du tout, c'est un spectateur actif et en cela très proche du spectateur qui visite les expositions d'art contemporain, les in situ, où on est noyé dans l'oeuvre et on participe aussi par notre mouvement à l'oeuvre. Et Tintoret travaille beaucoup ce type de scénographie.
(…)
… notamment par le jeu sur les éclairages des salles, qu'il répète à l'intérieur de ses toiles comme si c'était une continuité spatiale. Ainsi il donne une sorte de rapport entre l'espace réel et l'espace fictif et aussi il crée une communauté temporelle, entre l'histoire passée et l'histoire actuelle (…)
A.V. — La parole se substitue à l'action dans un grand nombre de ses peintures et, en même temps, c'est un peintre qui est, vous le soulignez, profondément littéraire, ne serait-ce que parce que ses personnages sacrés ont en main, souvent, des livres.

2011-01-02

bataille pour une économie générale

La vie humaine, distincte de l'existence juridique et telle qu'elle a lieu en fait sur un globe isolé dans l'espace céleste, du jour à la nuit, d'une contrée à l'autre, la vie humaine ne peut en aucun cas être limitée aux systèmes fermés qui lui sont assignés dans des conceptions raisonnables. L'immense travail d'abandon, d'écoulement et d'orage qui la constitue pourrait être exprimé en disant qu'elle ne commence qu'avec le déficit de ces systèmes : du moins ce qu'elle admet d'ordre et de réserve n'a-t-il de sens qu'à partir du moment où les forces ordonnées et réservées se libèrent et se perdent pour des fins qui ne peuvent être assujetties à rien dont il soit possible de rendre des comptes. C'est seulement par une telle insubordination, même misérable, que l'espèce humaine cesse d'être isolée dans la splendeur sans condition des choses matérielles.
(G.B.)

(…) Là où il propose un véritable « changement copernicien » des conceptions économiques de base, c'est quand il aperçoit la différence fondamentale entre l'économie d'un système séparé – où règne un sentiment de rareté, de nécessité, où se posent des problèmes de profit, et où la croissance peut toujours sembler possible et désirable – et celle d'une économie qui est celle de la masse vivante dans son ensemble – où l'énergie est toujours en excès et qui doit sans relâche détruire un surcroît. Montrant que l'étude des phénomènes isolés est toujours une abstraction, il propose un effort de synthèse, qui était jusqu'alors sans précédent, par opposition à l'esprit borné des économistes traditionnels qu'il compare à celui « d'un mécanicien qui change une roue ». Vue profonde, qui a fait son chemin car l'on sait la fortune qu'a connu, depuis que ces lignes furent écrites, le terme d'économie généralisée.
(J.P.)

Un excédent doit être dissipé par le moyen d'opérations déficitaires : la dissipation finale ne saurait manquer d'accomplir le mouvement qui anime l'énergie terrestre.
Le contraire apparaît d'habitude pour la raison que l'économie n'est jamais envisagée en général. L'esprit humain en ramène les opérations, dans la science comme dans la vie, à une entité fondée sur le type des systèmes particuliers (des organismes ou des entreprises). L'activité économique, envisagée comme un ensemble, est conçue sur le mode de l'opération particulière, dont la fin est limitée. L'esprit généralise en composant l'ensemble des opérations : la science économique se contente de généraliser la situation isolée, elle borne son objet aux opérations faites en vue d'une fin limitée, celle de l'homme économique ; elle ne prend pas en considération un jeu de l'énergie qu'aucune fin particulière ne limite : le jeu de la matière vivante en général, prise dans le mouvement de la lumière dont elle est l'effet.
(…)
Ces excès de force vive, qui congestionnent localement les économies les plus misérables, sont en effet les plus dangereux facteurs de ruine. Aussi la décongestion fut-elle en tous temps, mais au plus obscur de la conscience, l'objet d'une recherche fiévreuse. Les sociétés anciennes la trouvèrent dans les fêtes ; certaines édifièrent d'admirables monuments, qui n'avaient pas d'utilité ; nous employons l'excédent à multiplier les « services », qui aplanissent la vie, et nous sommes portés à en résorber une partie dans l'augmentation des heures de loisir. Mais ces dérivatifs ont toujours été insuffisants : leur existence en excédent  malgré cela (en de certains points) a voué en tous temps des multitudes d'êtres humains et de grandes quantités de biens utiles aux destructions des guerres. (…)

En conséquence le principe général de l'excédent d'énergie à dépenser, envisagé (par-delà l'intention trop étroite de l'économie) comme effet d'un mouvement qui le dépasse, en même temps qu'il éclaire tragiquement un ensemble de faits, revêt une portée que personne ne peut nier.
(…)
Je préciserai seulement, sans attendre davantage, que l'extension de la croissance exige elle-même le renversement des principes économiques – le renversement de la morale qui les fonde. Passer des perspectives de l'économie restreinte à celles de l'économie générale réalise en vérité un changement copernicien : la mise à l'envers de la pensée – et de la morale.
(G.B.)


cf. le jeu du monde
cf. la dominance et autre usage
cf. in su ici de

2011-01-01

in su ici de

Je partirai d'un fait élémentaire : l'organisme vivant, dans la situation que déterminent les jeux de l'énergie à la surface du globe, reçoit en principe plus d'énergie qu'il n'est nécessaire au maintient de la vie : l'énergie (la richesse) excédante peut être utilisée à la croissance d'un système (par exemple d'un organisme) ; si le système ne peut plus croître, ou si l'excédent ne peut plus en entier être absorbé dans sa croissance, il faut nécessairement le perdre sans profit, le dépenser, volontiers ou non, glorieusement ou sinon de façon catastrophique.
(...)
Nous pouvons l'ignorer, l'oublier : le sol où nous vivons n'est quoi qu'il en soit qu'un champ de destructions multipliées. Notre ignorance a seulement un effet incontestable : elle nous mène à subir ce que nous pourrions, si nous savions, opérer à notre guise. Elle nous prive du choix d'une exsudation qui pourrait nous agréer. Elle livre surtout les hommes et leurs oeuvres à des destructions catastrophiques. Car si nous n'avons pas la force de détruire nous-mêmes l'énergie en surcroît, elle ne peut être utilisée ; et, comme un animal intact qu'on ne peut dresser, c'est elle qui nous détruit, c'est nous-mêmes qui faisons les frais de l'explosion inévitable.
(G.B.)

cf. bataille pour une économie générale
cf. la dominance et autre usage
cf. fuir l'inhibition de l'action
cf. écart, tellement...
cf. gueuloir