J'étais dans une disposition heureuse ; ma réputation me rendait la vie légère : il y a beaucoup de songes dans le premier enivrement de la renommée et les yeux se remplissent d'abord avec délices de la lumière qui se lève ; mais que cette lumière s'éteigne, elle vous laisse dans l'obscurité ; si elle dure, l'habitude de la voir vous y rend bientôt insensible.
(F.-R.D.C.)
Les gens très connus, qui ont un nom, quand vous les voyez venir, leur nom marche à un mètre devant eux, et leur nom fait barrière. Et parler à quelqu'un de très connu (je parle vraiment des gens dont le nom circule comme des monnaies, souvent fausses, un peu partout) c'est presque impossible, on a l'impression d'être à un parloir. La gloire (...) installe certaines personnes dans un ordre religieux très particulier, dont il ne pourront plus sortir, (...) on ne peut plus leur parler qu'à travers une grille.
(C.B.)
Je suivais tout à l'heure le boulevard; c'était jour d'Opéra, et la foule des équipages se pressait dans la rue Lepelletier. Les promeneurs arrêtés sur le trottoir en reconnaissaient quelques-uns au passage, et prononçaient certains noms: c'était ceux d'hommes célèbres ou puissants qui se rendaient au succès du jour ! Près de moi s'est trouvé un spectateur aux joues creuses et aux yeux ardents, dont l'habit noir montrait la corde. Il suivait d'un regard d'envie ces privilégiés de l'autorité ou de la gloire, et je lisais sur ses lèvres, que crispait un sourire amer, tout ce qui se passait dans son âme. —Les voilà, les heureux! pensait-il; à eux tous les plaisirs de l'opulence et toutes les jouissances de l'orgueil. La foule sait leurs noms? ce qu'ils veulent s'accomplit; ils sont les souverains du monde par l'esprit ou par la puissance! pendant que moi, pauvre et ignoré, je traverse péniblement les lieux bas, ceux-ci placent sur les sommets dorés par le plein soleil de la prospérité.
Je suis revenu pensif. Est-il vrai qu'il y ait ces inégalités, je ne dis pas dans les fortunes, mais dans le bonheur des hommes? Le génie et le commandement ont-ils véritablement reçu la vie comme une couronne, tandis que le plus grand nombre la recevait comme un joug?
(…)
Que dire des grandes disgrâces qui précipitent les puissants du plus haut du ciel au plus profond de la terre ? de cette voie douloureuse par laquelle ils doivent porter éternellement leur responsabilité, comme le Christ portait sa croix? de cette chaîne de convenances et d'ennuis qui enferme tous les actes de leur vie, et y laisse si peu de place à la liberté?
Les partisans de l'autorité absolue ont défendu, avec raison, l'étiquette. Pour que des hommes conservent à leur semblable un pouvoir sans bornes, il faut qu'ils le tiennent séparé de l'humanité, qu'ils l'entourent d'un culte de tous les instants, qu'ils lui conservent, par un continuel cérémonial, ce rôle surhumain qu'ils lui ont accordé. Les maîtres ne peuvent rester souverains qu'à la condition d'être traités en idoles.
Mais après tout, ces idoles sont des hommes, et si la vie exceptionnelle qu'on leur fait est une insulte pour la dignité des autres, elle est aussi un supplice pour eux! Tout le monde connaît la loi de la cour d'Espagne, qui réglait, heure par heure, les actions du roi et de la reine, «de telle façon, dit Voltaire, qu'en la lisant on peut savoir tout ce que les souverains de la Péninsule ont fait ou feront depuis Philippe II jusqu'au jour du Jugement.» Ce fut elle qui obligea Philippe III malade à supporter un excès de chaleur dont il mourut, parce que le duc d'Uzède, qui avait seul le droit d'éteindre le feu dans la chambre royale, se trouvait absent.
La femme de Charles II, emportée par un cheval fougueux, allait périr sans que personne osât la sauver, parce que l'étiquette défendait de toucher à la reine: deux jeunes cavaliers se sacrifièrent en arrêtant le cheval. Il fallut les prières et les pleurs de celle qu'ils venaient d'arracher à la mort pour faire pardonner leur crime. Tout le monde connaît l'anecdote racontée par madame Campan au sujet de Marie-Antoinette, femme de Louis XVI. Un jour qu'elle était à sa toilette, et que la chemise allait lui être présentée par une des assistantes, une dame de très ancienne noblesse entra et réclama cet honneur, comme l'étiquette lui en donnait le droit; mais, au moment où elle allait remplir son office, une femme de plus grande qualité survint et prit à son tour le vêtement qu'elle était près d'offrir à la reine, lorsqu'une troisième dame, encore plus titrée, parut à son tour, et fut suivie d'une quatrième qui n'était autre que la sœur du roi. La chemise fut ainsi passée de mains en mains, avec force révérences et compliments, avant d'arriver à la reine qui, demi-nue et toute honteuse, grelottait pour la plus grande gloire de l'étiquette.
(E.S.)
Et puis si en plus on a la légèreté de publier – ce que je fais –, alors là on est complètement exposé, ce qui est bien sûr enivrant, mais on se sent aussi exposé aux tirs de tant de choses.
(A.N.)
[À son compagnon inconnu, mon père, lecteur de Rousseau] vantait la gloire du grand écrivain génevois, que son génie avait fait citoyen du monde; il s'exaltait sur ce privilège des sublimes penseurs qui dominent, malgré l'espace et le temps, et recrutent parmi toutes les nations un peuple de sujets volontaires, mais l'inconnu l'interrompit tout à coup :
—Et savez-vous, dit-il doucement, si Jean-Jacques n'échangerait point la célébrité que vous semblez envier contre la destinée d'un de ces bûcherons dont nous voyons fumer la cabane! A quoi lui a servi sa renommée, sinon à lui attirer des persécutions? Les amis inconnus que ses livres ont pu lui faire se contentent de le bénir dans leurs cœurs, tandis que les ennemis déclarés qu'ils lui ont attiré le poursuivent de leurs violences et de leurs calomnies! Son orgueil a été flatté par le succès! Combien a-t-il été blessé de fois par la satire! Et, croyez-le bien, l'orgueil humain ressemble toujours au Sybarite que le pli d'une feuille de rose empêchait de dormir. L'activité d'un esprit vigoureux dont le monde profite, tourne presque toujours contre celui qui le possède. Il en devient plus exigeant avec la vie; l'idéal qu'il poursuit le désenchante sans cesse de la réalité; il ressemble à l'homme dont la vue serait trop subtile, et qui dans le plus beau visage, apercevrait des taches et des rugosités. Je ne vous parle point des tentations plus fortes, des chutes plus profondes. Le génie, avez-vous dit, est une royauté! mais quel honnête homme n'a peur d'être roi? qui ne sent que pouvoir beaucoup, c'est, avec notre faiblesse et nos emportements, se préparer à beaucoup faillir! Croyez-moi, monsieur, n'admirez ni n'enviez le malheureux qui a écrit ce livre; mais si vous avez un cœur sensible, plaignez-le!
Mon père, étonné de l'entraînement avec lequel son compagnon avait prononcé ces derniers mots, ne savait que répondre.
Dans ce moment, ils arrivaient à la route pavée qui joint le château de Meudon et des Dames de France à celui de Versailles; une voiture passa.
Les dames qui s'y trouvaient aperçurent le vieillard, poussèrent un cri de surprise, et se penchant à la portière, elles répétèrent:
—C'est Jean-Jacques! c'est Rousseau!
Puis l'équipage disparut.
Mon père était resté immobile, les yeux grand ouverts, les mains en avant, stupéfait et éperdu. Rousseau, qui avait tressailli en entendant prononcer son nom, se tourna de son côté :
—Vous le voyez, dit-il, avec la misanthropique amertume que ses derniers malheurs lui avaient donnée, Jean-Jacques ne peut même se cacher : objet de curiosité pour les uns, de malignité pour les autres, il est pour tous une chose publique que l'on se montre au doigt. Encore s'il ne s'agissait que de subir l'indiscrétion des oisifs! mais dès qu'un homme a eu le malheur de se faire un nom, il appartient à tous; chacun fouille dans sa vie, raconte ses moindres actions, insulte à ses sentiments; il devient semblable à ces murs que tous les passants peuvent souiller d'une injurieuse inscription. Vous direz peut-être que j'ai moi-même favorisé cette curiosité en publiant mes Mémoires. Mais le monde m'y avait forcé : on regardait chez moi par les fentes, et l'on me calomniait ; j'ai ouvert portes et fenêtres, afin qu'on me connût, du moins, tel que je suis. Adieu, Monsieur; rappelez-vous toujours que vous avez vu Rousseau pour savoir ce que c'est que la célébrité.
(…) Ah! je comprends aujourd'hui le récit de mon père! il renferme la réponse à une des questions que je m'adresse depuis une semaine. Oui, je sens maintenant que la gloire et la puissance sont des dons chèrement payés, et que, s'ils font du bruit autour de l'âme, tous deux ne sont le plus souvent, comme le dit madame de Staël, « qu'un deuil éclatant de bonheur ! »
(E.S.)
Je vivais à l'écart de la place publique,
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique...
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me fair' comprendre
Qu'à l'homme de la ru' j'avais des compt's à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J' devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.
Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !
Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d' la caus' publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quell' position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publi' des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé's salopes,
Combien de bons amis me r'gard'ront de travers,
Combien je recevrai de coups de revolver !
(G.B.)
Nous récusons des juges pour les plus petits intérêts, et nous voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du jugement des hommes, qui nous sont tout contraires, ou par leur jalousie, ou par leur préoccupation, ou par leur peu de lumière ; et ce n'est que pour les faire prononcer en notre faveur que nous exposons en tant de manières notre repos et notre vie.
(F. d.L.R.)
J'aime mieux m'en tenir à ma premièr' façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S'il n'en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je m'endors comme un loir.
(G.B.)
cf. re-tenue
(F.-R.D.C.)
Les gens très connus, qui ont un nom, quand vous les voyez venir, leur nom marche à un mètre devant eux, et leur nom fait barrière. Et parler à quelqu'un de très connu (je parle vraiment des gens dont le nom circule comme des monnaies, souvent fausses, un peu partout) c'est presque impossible, on a l'impression d'être à un parloir. La gloire (...) installe certaines personnes dans un ordre religieux très particulier, dont il ne pourront plus sortir, (...) on ne peut plus leur parler qu'à travers une grille.
(C.B.)
Je suivais tout à l'heure le boulevard; c'était jour d'Opéra, et la foule des équipages se pressait dans la rue Lepelletier. Les promeneurs arrêtés sur le trottoir en reconnaissaient quelques-uns au passage, et prononçaient certains noms: c'était ceux d'hommes célèbres ou puissants qui se rendaient au succès du jour ! Près de moi s'est trouvé un spectateur aux joues creuses et aux yeux ardents, dont l'habit noir montrait la corde. Il suivait d'un regard d'envie ces privilégiés de l'autorité ou de la gloire, et je lisais sur ses lèvres, que crispait un sourire amer, tout ce qui se passait dans son âme. —Les voilà, les heureux! pensait-il; à eux tous les plaisirs de l'opulence et toutes les jouissances de l'orgueil. La foule sait leurs noms? ce qu'ils veulent s'accomplit; ils sont les souverains du monde par l'esprit ou par la puissance! pendant que moi, pauvre et ignoré, je traverse péniblement les lieux bas, ceux-ci placent sur les sommets dorés par le plein soleil de la prospérité.
Je suis revenu pensif. Est-il vrai qu'il y ait ces inégalités, je ne dis pas dans les fortunes, mais dans le bonheur des hommes? Le génie et le commandement ont-ils véritablement reçu la vie comme une couronne, tandis que le plus grand nombre la recevait comme un joug?
(…)
Que dire des grandes disgrâces qui précipitent les puissants du plus haut du ciel au plus profond de la terre ? de cette voie douloureuse par laquelle ils doivent porter éternellement leur responsabilité, comme le Christ portait sa croix? de cette chaîne de convenances et d'ennuis qui enferme tous les actes de leur vie, et y laisse si peu de place à la liberté?
Les partisans de l'autorité absolue ont défendu, avec raison, l'étiquette. Pour que des hommes conservent à leur semblable un pouvoir sans bornes, il faut qu'ils le tiennent séparé de l'humanité, qu'ils l'entourent d'un culte de tous les instants, qu'ils lui conservent, par un continuel cérémonial, ce rôle surhumain qu'ils lui ont accordé. Les maîtres ne peuvent rester souverains qu'à la condition d'être traités en idoles.
Mais après tout, ces idoles sont des hommes, et si la vie exceptionnelle qu'on leur fait est une insulte pour la dignité des autres, elle est aussi un supplice pour eux! Tout le monde connaît la loi de la cour d'Espagne, qui réglait, heure par heure, les actions du roi et de la reine, «de telle façon, dit Voltaire, qu'en la lisant on peut savoir tout ce que les souverains de la Péninsule ont fait ou feront depuis Philippe II jusqu'au jour du Jugement.» Ce fut elle qui obligea Philippe III malade à supporter un excès de chaleur dont il mourut, parce que le duc d'Uzède, qui avait seul le droit d'éteindre le feu dans la chambre royale, se trouvait absent.
La femme de Charles II, emportée par un cheval fougueux, allait périr sans que personne osât la sauver, parce que l'étiquette défendait de toucher à la reine: deux jeunes cavaliers se sacrifièrent en arrêtant le cheval. Il fallut les prières et les pleurs de celle qu'ils venaient d'arracher à la mort pour faire pardonner leur crime. Tout le monde connaît l'anecdote racontée par madame Campan au sujet de Marie-Antoinette, femme de Louis XVI. Un jour qu'elle était à sa toilette, et que la chemise allait lui être présentée par une des assistantes, une dame de très ancienne noblesse entra et réclama cet honneur, comme l'étiquette lui en donnait le droit; mais, au moment où elle allait remplir son office, une femme de plus grande qualité survint et prit à son tour le vêtement qu'elle était près d'offrir à la reine, lorsqu'une troisième dame, encore plus titrée, parut à son tour, et fut suivie d'une quatrième qui n'était autre que la sœur du roi. La chemise fut ainsi passée de mains en mains, avec force révérences et compliments, avant d'arriver à la reine qui, demi-nue et toute honteuse, grelottait pour la plus grande gloire de l'étiquette.
(E.S.)
Et puis si en plus on a la légèreté de publier – ce que je fais –, alors là on est complètement exposé, ce qui est bien sûr enivrant, mais on se sent aussi exposé aux tirs de tant de choses.
(A.N.)
[À son compagnon inconnu, mon père, lecteur de Rousseau] vantait la gloire du grand écrivain génevois, que son génie avait fait citoyen du monde; il s'exaltait sur ce privilège des sublimes penseurs qui dominent, malgré l'espace et le temps, et recrutent parmi toutes les nations un peuple de sujets volontaires, mais l'inconnu l'interrompit tout à coup :
—Et savez-vous, dit-il doucement, si Jean-Jacques n'échangerait point la célébrité que vous semblez envier contre la destinée d'un de ces bûcherons dont nous voyons fumer la cabane! A quoi lui a servi sa renommée, sinon à lui attirer des persécutions? Les amis inconnus que ses livres ont pu lui faire se contentent de le bénir dans leurs cœurs, tandis que les ennemis déclarés qu'ils lui ont attiré le poursuivent de leurs violences et de leurs calomnies! Son orgueil a été flatté par le succès! Combien a-t-il été blessé de fois par la satire! Et, croyez-le bien, l'orgueil humain ressemble toujours au Sybarite que le pli d'une feuille de rose empêchait de dormir. L'activité d'un esprit vigoureux dont le monde profite, tourne presque toujours contre celui qui le possède. Il en devient plus exigeant avec la vie; l'idéal qu'il poursuit le désenchante sans cesse de la réalité; il ressemble à l'homme dont la vue serait trop subtile, et qui dans le plus beau visage, apercevrait des taches et des rugosités. Je ne vous parle point des tentations plus fortes, des chutes plus profondes. Le génie, avez-vous dit, est une royauté! mais quel honnête homme n'a peur d'être roi? qui ne sent que pouvoir beaucoup, c'est, avec notre faiblesse et nos emportements, se préparer à beaucoup faillir! Croyez-moi, monsieur, n'admirez ni n'enviez le malheureux qui a écrit ce livre; mais si vous avez un cœur sensible, plaignez-le!
Mon père, étonné de l'entraînement avec lequel son compagnon avait prononcé ces derniers mots, ne savait que répondre.
Dans ce moment, ils arrivaient à la route pavée qui joint le château de Meudon et des Dames de France à celui de Versailles; une voiture passa.
Les dames qui s'y trouvaient aperçurent le vieillard, poussèrent un cri de surprise, et se penchant à la portière, elles répétèrent:
—C'est Jean-Jacques! c'est Rousseau!
Puis l'équipage disparut.
Mon père était resté immobile, les yeux grand ouverts, les mains en avant, stupéfait et éperdu. Rousseau, qui avait tressailli en entendant prononcer son nom, se tourna de son côté :
—Vous le voyez, dit-il, avec la misanthropique amertume que ses derniers malheurs lui avaient donnée, Jean-Jacques ne peut même se cacher : objet de curiosité pour les uns, de malignité pour les autres, il est pour tous une chose publique que l'on se montre au doigt. Encore s'il ne s'agissait que de subir l'indiscrétion des oisifs! mais dès qu'un homme a eu le malheur de se faire un nom, il appartient à tous; chacun fouille dans sa vie, raconte ses moindres actions, insulte à ses sentiments; il devient semblable à ces murs que tous les passants peuvent souiller d'une injurieuse inscription. Vous direz peut-être que j'ai moi-même favorisé cette curiosité en publiant mes Mémoires. Mais le monde m'y avait forcé : on regardait chez moi par les fentes, et l'on me calomniait ; j'ai ouvert portes et fenêtres, afin qu'on me connût, du moins, tel que je suis. Adieu, Monsieur; rappelez-vous toujours que vous avez vu Rousseau pour savoir ce que c'est que la célébrité.
(…) Ah! je comprends aujourd'hui le récit de mon père! il renferme la réponse à une des questions que je m'adresse depuis une semaine. Oui, je sens maintenant que la gloire et la puissance sont des dons chèrement payés, et que, s'ils font du bruit autour de l'âme, tous deux ne sont le plus souvent, comme le dit madame de Staël, « qu'un deuil éclatant de bonheur ! »
(E.S.)
Je vivais à l'écart de la place publique,
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique...
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me fair' comprendre
Qu'à l'homme de la ru' j'avais des compt's à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J' devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.
Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !
Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d' la caus' publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quell' position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publi' des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé's salopes,
Combien de bons amis me r'gard'ront de travers,
Combien je recevrai de coups de revolver !
(G.B.)
Nous récusons des juges pour les plus petits intérêts, et nous voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du jugement des hommes, qui nous sont tout contraires, ou par leur jalousie, ou par leur préoccupation, ou par leur peu de lumière ; et ce n'est que pour les faire prononcer en notre faveur que nous exposons en tant de manières notre repos et notre vie.
(F. d.L.R.)
J'aime mieux m'en tenir à ma premièr' façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S'il n'en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d'acquitter la rançon de la gloir',
Sur mon brin de laurier je m'endors comme un loir.
(G.B.)
cf. re-tenue
Quand on a quelque valeur, chercher le succès c'est se gâter à plaisir, et chercher la gloire c'est peut-être se perdre.
RépondreSupprimer(G.F.)
Justement, je crains que ce soit ce dont on veut pas tellement, dans le fond. Le fond du fond. S'exposer, s'affirmer dans le monde, et que se crée une image de nous, à l'emporte-pièce, et qui nous enfermerait, puis nous engagerait (instinctivement) à la défendre, sans cesse, sinon de la justifier, ou de convaincre bientôt de son évolution… bref, de convaincre, tout court. De tout.
RépondreSupprimerAlors ne pas conclure, le moindre projet, ne rien conclure, parce qu'on n'est sûr de rien, ou trop sûr d'une chose plutôt, et branché dessus (plus que de raison) : le devenir – qui ne laisse effectivement rien en dehors. Partant de là, rester « libre », de devenir, « et pour ça il faut être dégagé aux entournures », c'est-à-dire vague, identitairement flottant.
Et pour ça, donc, ne pas conclure, à juste titre, pas de mot de la fin à quoi que ce soit d'entrepris, parce qu'on souhaite pas que ça finisse, on veut pas que ça se referme, et se referme sur nous, et que ça nous fixe et « aux suivants ! ». (…) Voilà pourquoi peut-être jusqu'ici j'appuie jamais sur la gâchette, quand l'oeuvre, la conclusion, la sortie seraient à bout portant. L'oeuvre me rend moins sympathique, aux autres et à moi-même (Barthes). Sauf que voilà, le contexte se fait de plus en plus pressant aujourd'hui. Donc il faudra sans doute que j'y passe, tente d'y passer (…), mais en ayant reculé, reculé, des années... l'échéance, le début de la fin, la fin de l'aventure libre, sans étiquette, sans nom, sans suite, que des idées, à n'en plus finir, des bouts d'essais, des envies, au gré... Ah, « la vie merveilleuse du raté » ! Mais raté ?
(K)
Une implication et un dévouement qui n'empêchent pas des changements dans le quotidien des Dujardin-Lamy : "C'est la rançon de la gloire, dit-on, mais on a le droit parfois d'être tranquilles. Nos enfants ne se baladent plus le dimanche avec nous, car ils finissent par tenir l'appareil photo. [...] Ce sont des problèmes de riches, tout ça, mais je comprends qu'une femme comme Diam's dise que cette vie ne lui correspond plus, parce que ça ne s'arrête jamais... Mon but n'a jamais été d'être connue, je voulais faire du théâtre, jouer à la Comédie-Française."
RépondreSupprimerVoilà treize ans qu'elle a joué dans Un gars/Une fille mais cette étiquette de fille sympathique lui colle toujours à la peau. Pourtant...
Et sa fille [Alice] d'ajouter avec beaucoup de maturité, au sujet des moqueries fréquentes sur le physique de sa maman [ Anne Roumanoff] : "Ces attaques me blessent énormément. Petite, à force de les entendre, je finissais par croire qu'elle était moche ! En grandissant, j'ai compris à quel point la célébrité vous expose..."
RépondreSupprimer(Joachim Ohnona)
[Daniel Balavoine] Homme discret, compositeur talentueux et chanteur engagé : Claire Balavoine donne à voir dans son livre témoignage un portrait intime de son illustre petit frère qui fut avant tout, comme on l'a souvent dit, un rebelle au grand coeur. Cette ancienne maître-nageuse y dévoile une face particulièrement terre-à-terre d'un Daniel Balavoine qui, de ses aveux, avait une sainte horreur du star-system au point même d'avoir évoqué l'idée de tout plaquer. "Il ne supportait pas l'idolâtrie, les fans clubs. Il détestait qu'on le touche, qu'on l'interpelle. Il en avait ras-le-bol à la fin de sa vie. Il ne comprenait pas pourquoi les gens avaient besoin de lui pour se réaliser, confie Claire Balavoine au magazine Gala, qui publie une poignée de passionnants extraits du livre retraçant l'enfance, la gloire puis le décès tragique du chanteur. Il évoquait même la possibilité de cesser de chanter, de passer à autre chose. Il n'en a pas eu le temps."
RépondreSupprimer(purepeople.com)