Camille, passionné(e) par cette injonction à la maternité, enquête depuis des années sur la question, demandant aux mères pourquoi elles ont eu, voulu un enfant. Cela fera l’objet d’un prochain article mauvais esprit – il paraît que certaines mères ont répondu : « Par hasard » ou « par naïveté. »
En attendant, entretien avec la [scénariste de la BD « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? » (éd. Fluide Glacial)] Véronique Cazot.
C. : À quel âge avez-vous réalisé que vous vouliez/ne vouliez pas d’enfants – et avez-vous réalisé que vous n’en vouliez pas alors que vous pensiez en vouloir... ou l’inverse ?
V.C. : Un peu avant 30 ans. Jusqu’à cet âge-là, je ne me posais pas vraiment la question, mais je pensais que je voulais des enfants, comme tout le monde. Je ne pensais même pas qu’une alternative soit possible.
J’imaginais un grand pique-nique au soleil avec mon beau mari et notre flopée d’enfants, comme lorsque je m’inventais des histoires, petite fille.
C. : À quelle occasion ? Une rencontre, une discussion, un bouquin, une remarque ?
V.C. : Bizarrement, c’est lorsque j’ai rencontré le premier homme avec lequel je me suis sentie vraiment bien et avec lequel j’ai pu être moi-même. La question de l’enfant s’est posée naturellement, et cette question m’a fait prendre conscience que j’avais le choix. Cela semble logique, mais ce n’est pas si évident lorsqu’il s’agit des questions qui impliquent les lois de mère nature.
J’ai su alors intimement et immédiatement que je ne voulais pas être mère. Par bonheur, mon compagnon a respecté ce choix, qui lui convient aussi.
C. : Trouvez-vous qu’il y a une forte pression sociale pour avoir des enfants ?
V.C. : La pression est énorme ! Surtout entre 30 et 40 ans, l’âge où tout le monde se lance dans la grande aventure familiale et vous encourage à plonger avec eux ! Toute la société est construite sur ce modèle unique. C’est le seul qu’elle reconnaît et qu’elle avantage moralement et socialement. Une femme normale veut FORCÉMENT des enfants. Sinon, c’est qu’elle a FORCÉMENT un problème.
Un couple équilibré qui s’aime veut FORCÉMENT des enfants. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a FORCÉMENT quelque chose qui cloche ou que le couple ne s’aime pas assez. Or, des tas de couples déséquilibrés ou qui ne s’aiment plus font des enfants et ont leur place dans la société.
Les filles sont conditionnées dès le plus jeune âge à devenir mère. C’est la fin heureuse de tous les contes de fée. Une promesse de bonheur qui me semble pourtant loin d’être évidente.
J’imagine à quel point les femmes qui voulaient, mais ne peuvent pas avoir d’enfant doivent se sentir inutiles et désespérées, car la société oublie de les rassurer sur le fait qu’on peut s’épanouir sans être mère et qu’un enfant ne garantit pas non plus une vie heureuse.
C. : Et vous, comment vivez-vous cette pression sociale ?
Je l’ai mal vécue les premières années car j’avais du mal à assumer mon choix. Je me sentais harcelée par la société et par mon entourage. Je souffrais de ne pas être comprise et me sentais de plus en plus anormale. Je m’indignais que l’on puisse juger ou imposer un choix aussi intime et important.
Je me sentais vraiment rejetée par la société. Depuis, ce rejet n’est plus du tout subi. Il incarne ma liberté et me protège de ce conformisme qui me semble enfermer tout le monde dans une illusion collective. Je trouve que la norme imposée par la société nous fait tous nous sentir anormaux à un moment ou à un autre et nous pousse à gommer nos différences jusqu’à ce que nous ne soyons plus nous-mêmes et ne réfléchissions plus par nous-mêmes. La norme me semble être la plus dangereuse des illusions.
Elle met la pression dans tous les domaines et pousse de nombreuses personnes à faire semblant. Se libérer de cette pression ne simplifie pas forcément la vie mais permet de vivre en accord avec soi. C’est déjà énorme !
C. : Pensez-vous que cette norme vous influence dans un sens ou dans l’autre ?
Elle a pu m’influencer quand j’étais plus jeune, lorsque je pensais encore qu’elle agissait pour mon bien et celui de tous, à l’image d’un parent responsable et aimant. Aujourd’hui, je sais beaucoup mieux que la société ce qui est bon pour moi et ce qui me convient.
Elle ne m’influence ni dans un sens ni dans un autre, car agir contre elle par simple esprit de contradiction ne me permettrait pas non plus d’être juste et bienveillante envers moi.
Mais je n’ignore pas son pouvoir et je le crains, car la pression sociale a de nombreux supers pouvoirs comme faire plier les plus faibles, rassurer les bons élèves, culpabiliser les brebis galeuses, frustrer les impuissants et radicaliser les rebelles (du pain bénit pour elle).
C. : Quel est votre genre ? Votre âge ? Où vivez-vous/avez-vous grandi ? Quelle est en gros votre profession/milieu social ?
J’ai 37 ans. Je suis auteur dans le milieu de l’audiovisuel et de l’édition et je partage ma vie entre la campagne normande et Paris. Je suis issue d’un milieu modeste, élevée par une mère au foyer et un père ouvrier.
Je pense évidemment que mon métier et mon mode de vie me facilitent la tâche. Une passion qui permet de trouver sa place et de s’épanouir peut donner la force de ne pas céder à la pression et de faire ses propres choix.
En attendant, entretien avec la [scénariste de la BD « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? » (éd. Fluide Glacial)] Véronique Cazot.
C. : À quel âge avez-vous réalisé que vous vouliez/ne vouliez pas d’enfants – et avez-vous réalisé que vous n’en vouliez pas alors que vous pensiez en vouloir... ou l’inverse ?
V.C. : Un peu avant 30 ans. Jusqu’à cet âge-là, je ne me posais pas vraiment la question, mais je pensais que je voulais des enfants, comme tout le monde. Je ne pensais même pas qu’une alternative soit possible.
J’imaginais un grand pique-nique au soleil avec mon beau mari et notre flopée d’enfants, comme lorsque je m’inventais des histoires, petite fille.
C. : À quelle occasion ? Une rencontre, une discussion, un bouquin, une remarque ?
V.C. : Bizarrement, c’est lorsque j’ai rencontré le premier homme avec lequel je me suis sentie vraiment bien et avec lequel j’ai pu être moi-même. La question de l’enfant s’est posée naturellement, et cette question m’a fait prendre conscience que j’avais le choix. Cela semble logique, mais ce n’est pas si évident lorsqu’il s’agit des questions qui impliquent les lois de mère nature.
J’ai su alors intimement et immédiatement que je ne voulais pas être mère. Par bonheur, mon compagnon a respecté ce choix, qui lui convient aussi.
C. : Trouvez-vous qu’il y a une forte pression sociale pour avoir des enfants ?
V.C. : La pression est énorme ! Surtout entre 30 et 40 ans, l’âge où tout le monde se lance dans la grande aventure familiale et vous encourage à plonger avec eux ! Toute la société est construite sur ce modèle unique. C’est le seul qu’elle reconnaît et qu’elle avantage moralement et socialement. Une femme normale veut FORCÉMENT des enfants. Sinon, c’est qu’elle a FORCÉMENT un problème.
Un couple équilibré qui s’aime veut FORCÉMENT des enfants. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a FORCÉMENT quelque chose qui cloche ou que le couple ne s’aime pas assez. Or, des tas de couples déséquilibrés ou qui ne s’aiment plus font des enfants et ont leur place dans la société.
Les filles sont conditionnées dès le plus jeune âge à devenir mère. C’est la fin heureuse de tous les contes de fée. Une promesse de bonheur qui me semble pourtant loin d’être évidente.
J’imagine à quel point les femmes qui voulaient, mais ne peuvent pas avoir d’enfant doivent se sentir inutiles et désespérées, car la société oublie de les rassurer sur le fait qu’on peut s’épanouir sans être mère et qu’un enfant ne garantit pas non plus une vie heureuse.
C. : Et vous, comment vivez-vous cette pression sociale ?
Je l’ai mal vécue les premières années car j’avais du mal à assumer mon choix. Je me sentais harcelée par la société et par mon entourage. Je souffrais de ne pas être comprise et me sentais de plus en plus anormale. Je m’indignais que l’on puisse juger ou imposer un choix aussi intime et important.
Je me sentais vraiment rejetée par la société. Depuis, ce rejet n’est plus du tout subi. Il incarne ma liberté et me protège de ce conformisme qui me semble enfermer tout le monde dans une illusion collective. Je trouve que la norme imposée par la société nous fait tous nous sentir anormaux à un moment ou à un autre et nous pousse à gommer nos différences jusqu’à ce que nous ne soyons plus nous-mêmes et ne réfléchissions plus par nous-mêmes. La norme me semble être la plus dangereuse des illusions.
Elle met la pression dans tous les domaines et pousse de nombreuses personnes à faire semblant. Se libérer de cette pression ne simplifie pas forcément la vie mais permet de vivre en accord avec soi. C’est déjà énorme !
C. : Pensez-vous que cette norme vous influence dans un sens ou dans l’autre ?
Elle a pu m’influencer quand j’étais plus jeune, lorsque je pensais encore qu’elle agissait pour mon bien et celui de tous, à l’image d’un parent responsable et aimant. Aujourd’hui, je sais beaucoup mieux que la société ce qui est bon pour moi et ce qui me convient.
Elle ne m’influence ni dans un sens ni dans un autre, car agir contre elle par simple esprit de contradiction ne me permettrait pas non plus d’être juste et bienveillante envers moi.
Mais je n’ignore pas son pouvoir et je le crains, car la pression sociale a de nombreux supers pouvoirs comme faire plier les plus faibles, rassurer les bons élèves, culpabiliser les brebis galeuses, frustrer les impuissants et radicaliser les rebelles (du pain bénit pour elle).
C. : Quel est votre genre ? Votre âge ? Où vivez-vous/avez-vous grandi ? Quelle est en gros votre profession/milieu social ?
J’ai 37 ans. Je suis auteur dans le milieu de l’audiovisuel et de l’édition et je partage ma vie entre la campagne normande et Paris. Je suis issue d’un milieu modeste, élevée par une mère au foyer et un père ouvrier.
Je pense évidemment que mon métier et mon mode de vie me facilitent la tâche. Une passion qui permet de trouver sa place et de s’épanouir peut donner la force de ne pas céder à la pression et de faire ses propres choix.
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