Il y eut de petits groupes de peintres venus de montparnasse (...) Simplement je leur disais : « Votre montparnasse, où est le mont ? Ici, j'ai de l'air et autour de moi, personne ne peint. Comment pouvez-vous vivre dans une si forte odeur de peinture ? » Il m'assuraient : « Nous ne nous gênons pas ; nous nous protégeons. » Je le voyais bien ; il suffisait de regarder leur peinture, un terrible pompiérisme d'avant-garde. Quand ils étaient vingt à faire un peu près le même truc, ils croyaient avoir fondé une école. (...) Et je pensais : après avoir gratté, comment peuvent-ils se retrouver tous au café, presque tous pauvres, inconnus, crasseux ? Moi ça me casserait les pattes, j'aurais une telle trouille de leur ressembler...
Evidemment, j'avais de la chance ; ils me la reprochaient. (...)
Eux aussi, ils avaient croupi depuis quarante ans. — « Mais je n'ai pas croupi, leur disais-je. Il ne faut surtout pas croupir ; il faut s'aérer tout le temps et peindre au milieu des hommes. Les sociétés d'artistes sont des sociétés de singes dans un marécage où pointent quelques arbres, jamais assez pour se percher. » Et pour leur montrer que je n'avais pas croupi, je leur disais les travaux que j'avais faits en Toscane, bûcheron, vigneron, étalon. Barbouiller tout le temps, c'est la mort du peintre. Ça les amusait un peu. Il y en avait toujours un qui pensait : « Bon, si je veux, demain, je vais vivre d'olives et de pain dans une petite Cyclade. Je peins quand ça me gratte vraiment. Au fond, son truc, n'importe qui peut le faire... » De savoir que, s'ils voulaient... leur suffisait pour un temps. L'année d'après, on les retrouvait enfoncés dans leur marais. Déjà, on ne voyait plus que la tête. Bientôt on entendait gloup et il n'y avait plus qu'une grosse bulle. J'en ai vu disparaître des quantités.
(J.P.)
Evidemment, j'avais de la chance ; ils me la reprochaient. (...)
Eux aussi, ils avaient croupi depuis quarante ans. — « Mais je n'ai pas croupi, leur disais-je. Il ne faut surtout pas croupir ; il faut s'aérer tout le temps et peindre au milieu des hommes. Les sociétés d'artistes sont des sociétés de singes dans un marécage où pointent quelques arbres, jamais assez pour se percher. » Et pour leur montrer que je n'avais pas croupi, je leur disais les travaux que j'avais faits en Toscane, bûcheron, vigneron, étalon. Barbouiller tout le temps, c'est la mort du peintre. Ça les amusait un peu. Il y en avait toujours un qui pensait : « Bon, si je veux, demain, je vais vivre d'olives et de pain dans une petite Cyclade. Je peins quand ça me gratte vraiment. Au fond, son truc, n'importe qui peut le faire... » De savoir que, s'ils voulaient... leur suffisait pour un temps. L'année d'après, on les retrouvait enfoncés dans leur marais. Déjà, on ne voyait plus que la tête. Bientôt on entendait gloup et il n'y avait plus qu'une grosse bulle. J'en ai vu disparaître des quantités.
(J.P.)
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